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Migrants abandonnés dans le désert tunisien : "Le silence est assez assourdissant du côté de tous les politiques européens"
#migrants #EU #Tunisie #Libye #italie
Article mis en ligne le 6 août 2023
dernière modification le 5 août 2023

Le 16 juillet, l’Union européenne signait un partenariat avec la Tunisie pour lutter contre l’immigration irrégulière. Et ce en dépit, des milliers de migrants subsahariens qui sont volontairement abandonnés dans le désert par les autorités de Tunis. Depuis la signature de cet accord, l’UE est mutique. Un positionnement de Bruxelles "gênant" voire "catastrophique", selon la chercheuse Tania Racho.

En trois semaines, au moins 25 migrants sont morts de soif et de chaud dans le désert tunisien aux frontières libyennes et algériennes. Depuis le 3 juillet dernier et les violences entre migrants et population locale, des centaines d’exilés ont été envoyés dans les zones désertiques par les autorités tunisiennes.

Deux semaines plus tard, le 16 juillet, l’Union européenne et le président Kaïs Saïed annonçaient la signature d’un "partenariat stratégique" controversé, dont 105 millions d’euros d’aides européennes sont dédiées à la lutte contre l’immigration.

Selon Tania Racho, docteure en droit européen (Paris II) et chercheuse associée à l’Université Paris-Saclay, le mutisme de l’UE sur le sort des migrants noirs du pays donne "une très mauvaise image’ de Bruxelles. (...)

Tania Racho : Oui, le silence est assez assourdissant du côté de tous les politiques européens. Même français. C’est vraiment catastrophique. C’est mal venu de la part de l’Union européenne d’avoir fait aboutir cet accord et ensuite d’ignorer la réalité sur place et de ne pas prendre une position.

Ce silence venant de chacune des institutions de l’Union européenne et de la représentation générale par la Commission européenne est très gênant et donne une très mauvaise image de l’orientation de l’Union européenne. (...)

TR : Il y a des outils qu’on pourrait explorer et je pense que le Parlement va peut-être essayer de s’en saisir. Mais ça ne pourra pas aboutir à une annulation de l’accord lui-même. (...)

Il faut voir si le Parlement européen est en capacité de saisir la Cour de justice pour demander son annulation. Mais disons-le de manière très frontale, c’est compliqué juridiquement d’aller attaquer cet accord parce qu’on ne peut pas retenir la "responsabilité" de l’Union européenne. On peut signaler que c’est assez irresponsable politiquement pour Bruxelles de conclure un tel accord dans de telles circonstances mais il n’y a pas d’outils juridiques sur lesquels on peut reprocher à l’Union européenne d’avoir adopté le deal. (...)

Mais l’exécution de cette politique est clairement problématique parce que ces partenariats d’externalisation se font avec des États très problématiques : la Tunisie en dernier exemple, mais on peut aussi penser à la Libye ou à la Turquie. (...)

Cette stratégie d’externaliser la frontière est mal exécutée, catastrophique même. L’Union européenne pourrait faire beaucoup mieux en matière de migration, notamment en interne [comme réfléchir à une politique d’accueil des migrants sur le sol européen, ndlr] mais elle reste dans cette logique de gestion des frontières extérieures. (...)

Nous avons 300 000 personnes qui tentent d’entrer dans l’Union européenne chaque année sur 450 millions d’Européens, cela représente 0,07% de la population et toute notre politique est orientée là-dessus. Le discours des associations, chercheurs et ONG sur une autre politique est inaudible. (...)