Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Mediapart
Malversations dans le syndicat lycéen pro-Blanquer : les preuves que le ministère savait
Article mis en ligne le 22 novembre 2020
dernière modification le 21 novembre 2020

Mediapart publie les écrits qui prouvent que le ministère de l’éducation nationale a été informé des dérapages financiers au sein d’Avenir Lycéen. Malgré cela, la rue de Grenelle n’a pris aucune mesure, renouvelant une subvention de 30 000 euros, immédiatement suspendue après nos révélations.

Difficile de faire plus clair. Dans un long courriel daté du 25 juillet 2020, le délégué national à la vie lycéenne (DNVL), Christophe Brunelle, a été informé, jusque dans les moindres détails, des malversations présumées alors en cours au sein du syndicat pro-Blanquer, Avenir Lycéen, selon une nouvelle enquête de Mediapart, alors que Libération révèle de nouveaux témoignages montrant la proximité entre l’organisation et le ministère.

Cette alerte écrite n’a eu aucune conséquence, puisque les dérapages financiers, avec de l’argent public, ont ensuite continué sans que le ministère n’y trouve rien à redire. Les dirigeants n’ont pas connu d’autres formes de sanction qu’une simple session de « sensibilisation » à l’usage d’une subvention. Il a même fallu attendre les premières révélations de Mediapart pour que la rue de Grenelle suspende le versement prévu d’une nouvelle subvention de 30 000 euros, après celle de 65 000 euros en grande partie dilapidée pour frais de déplacement, hôtels et restaurants de luxe. (...)

Le courriel du 25 juillet 2020 annonçait pourtant, dans les grandes lignes, tout du scandale à venir, qui a débouché sur l’ouverture d’une enquête interne au ministère, les plaintes pénales de plusieurs organisations lycéennes, et pour lequel une partie de l’opposition réclame désormais la création d’une commission d’enquête parlementaire.

Le message à l’attention du DNVL, tour de contrôle de Jean-Michel Blanquer auprès des organisations syndicales, a été rédigé par un ancien membre d’Avenir Lycéen, qui a pris soin de mettre plusieurs personnes en copie. Contacté par Mediapart, le jeune homme a confirmé être l’auteur de cet écrit, dans lequel il explique « avec gravité » à Christophe Brunelle, membre de LREM qu’il connaît bien et tutoie, qu’il lui « est impossible de garder les informations dont [il a] connaissance » pour lui.

Le militant ne tourne pas autour du pot : en introduction de son message, il déclare clairement être « au regret de t’informer que l’ensemble des fonds versés en 2019 n’ont servi et ne cessent de servir qu’à la couverture de frais de fonctionnement [...] Nous sommes donc bien loin d’un investissement financier direct pour des projets touchant directement les lycéens », déplore-t-il.

Le militant, qui n’a pas de fonction exécutive dans le syndicat mais est témoin des dérives, précise ensuite l’objet de ses soupçons : « En effet, il est important de noter que les diverses rencontres ne sont pas des journées de travail acharnées (sic), mais se révèlent être au contraire des moments de convivialité entre amis au sein d’Avenir Lycéen. » (...)

Après avoir bloqué in extremis un virement de 15 000 euros en tant que président du comité de veille (organe non exécutif censé garantir le respect des statuts), le cofondateur avait même démissionné de ses fonctions le 27 juin 2020, en la motivant dans un long courrier adressé à plusieurs membres du syndicat, et dont le DNVL a été informé. (...)

Le « commissaire aux comptes » du syndicat, un poste prévu par les statuts pour « veiller à la bonne tenue de la trésorerie » et occupé par un ancien trésorier de l’association, a aussi raconté à Mediapart qu’il n’avait pas été prévenu de l’engagement d’une telle dépense.

Le courriel du 25 juillet au DNVL explique que « si une partie de la somme a été bloquée », des achats de matériel informatique ont bien été effectués, sans validation suffisante à ses yeux. (...)

Dans une enquête publiée par Libération ce vendredi, des anciens membres du syndicat ont par ailleurs confirmé la proximité du syndicat avec le ministère de Jean-Michel Blanquer, en expliquant s’être sentis « instrumentalisés » par la rue de Grenelle pour défendre les positions du pouvoir. (...)

Tandis que plusieurs organisations lycéennes ont annoncé leur intention de porter plainte (relire ici), le groupe de La France insoumise à l’Assemblée nationale ainsi que des députés communistes et socialistes ont réclamé la création d’une commission d’enquête parlementaire sur le lien du syndicat avec le pouvoir exécutif, a informé l’AFP. « Jean-Michel Blanquer doit s’expliquer devant la représentation nationale », estime le député insoumis de l’Ariège, Michel Larive, membre de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, rejoint par vingt-sept députés dans son initiative.

À droite aussi, l’affaire suscite des réactions. Le député LR du Pas-de-Calais Pierre-Henri Dumont a réclamé, dans une question écrite à Jean-Michel Blanquer, que toute la lumière soit faite « sur les pratiques en vigueur en matière d’attribution de subventions aux associations lycéennes, sur les conditions de contrôle par le ministère des fonds associatifs distribués ». (...)

Lire aussi :
Avenir lycéen, un syndicat modèle modelé pour Blanquer
Ces derniers jours, sa rancœur a atteint un nouveau palier. Un mélange d’aigreur, de colère et de désillusion. « C’est dégueulasse. On nous a utilisés, brossés dans le sens du poil en nous filant plein d’argent. Sans contrôle, encadrement, ni rien. Et aujourd’hui, des mineurs sont suspectés de détournement de fonds. Cette histoire est folle. » Clairanne Dufour, l’une des fondatrices d’Avenir lycéen, une organisation lycéenne peu connue qui revendique 400 adhérents, avait pourtant fait un long travail sur elle-même, pour couper, s’éloigner de tout ça. Plusieurs de ses camarades de l’époque ont fait de même, « dégoûtés de voir comment les choses se passent en vrai ». Avec cette douloureuse prise de conscience, « quand tu mesures que tu as été instrumentalisé ». Les récentes révélations de Mediapart les ont tous fait replonger. (...)