
Les annonces du ministère de l’Agriculture en matière de pesticides, notamment sur le S-métolachlore, vont dans le sens des revendications du syndicat agricole majoritaire. Ce dernier mène un lobbying intense contre toute forme d’interdiction.
La « cogestion » de la politique agricole se poursuit entre le ministère de l’Agriculture et la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles). Dernière illustration le 30 mars : le jour même de la présentation du « plan Eau » du gouvernement, Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture, annonce au congrès annuel de la FNSEA vouloir revenir sur la procédure d’interdiction du S-métolachlore. Cet herbicide est pourtant responsable d’une vaste contamination des nappes phréatiques et est considéré comme « très toxique » pour le milieu aquatique par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). (...)
Celle-ci est d’ailleurs dans la ligne de mire du ministre. Le 15 février, l’agence a annoncé engager une procédure de retrait des principaux usages des produits phytopharmaceutiques contenant la substance active S-métolachlore, afin de « préserver la qualité des ressources en eau ». Malgré la pression du ministre de l’Agriculture, l’Anses a confirmé l’interdiction ce jeudi 20 avril, en signant un avis définitif (...)
En demandant à l’Anses « une réévaluation de sa décision sur le S-métolachlore », Marc Fesneau s’attaque à l’indépendance de l’agence. Celle-ci est en effet en charge de l’évaluation des risques et de l’autorisation des pesticides depuis 2014 [2]. Pour justifier sa remise en cause de l’expertise de l’Anses, le ministre explique que cette décision « n’est pas alignée sur le calendrier européen », qu’elle induit une distorsion de concurrence, et est prise « sans alternatives crédibles ». Face aux critiques, il persiste dans une tribune publiée le 1er avril sur son compte Twitter. En creux se profile un lobbying intense mené ces dernières semaines par le syndicat agricole majoritaire qui n’envisage pas un modèle agricole sans pesticides de synthèse, malgré les ravages que ceux-ci produisent sur l’environnement et la santé humaine.
Un lobbying intense de la FNSEA parsemé d’intox (...)
d’après un rapport de l’association Générations futures, aucun pays européen n’autorise l’ensemble des substances actives approuvées en Europe. La France figure même dans le top 3 des pays européens qui tolèrent le plus grand nombre de pesticides, avec 291 substances actives autorisées, contre 296 pour l’Espagne et 298 pour la Grèce. Des chiffres bien supérieurs à la moyenne européenne, qui est de 220 substances autorisées par pays. (...)
En finir avec l’évaluation indépendante des pesticides
Depuis une loi de 2014, les autorisations de mise sur le marché (AMM) des pesticides ont été transférées à l’Anses. Auparavant, c’était la Direction générale de l’alimentation, rattachée au ministère de l’Agriculture, qui délivrait les AMM pour les pesticides agricoles. Désormais, l’Anses est non seulement investie de l’évaluation des risques, mais est aussi chargée d’accorder ou non leur commercialisation, d’encadrer leurs usages et de décide de leur retrait le cas échéant. (...)
La FNSEA a lancé les hostilités lors du dernier Salon de l’agriculture. (...)
La récente prise de position de Marc Fesneau concernant la remise en cause de la décision de l’Anses sur le S-métolachlore s’inscrit dans ce contexte de rapport de force autour des pesticides. Sa déclaration a fait bondir le député socialiste Dominique Potier : le ministre « se met à la main du pouvoir économique à court terme », a-t-il déploré auprès de l’AFP. « Quand un produit est cancérigène, il est retiré, c’est la doctrine française et il ne revient pas à un lobby économique de revenir dessus. » La députée écologiste Delphine Batho redoute que l’intention affichée de Marc Fesneau de « changer de méthode » en faisant revenir les AMM dans le giron du ministère ouvre la porte « aux pesticides les plus dangereux ».
La FNSEA reste le poids lourd du lobbying agricole (...)
Avec ce nouveau plan pour 2030, l’État a tout simplement décidé de ne pas fixer d’objectif de réduction d’usages de pesticides. « Nous avons été entendus sur le changement de méthode », a réagi, satisfaite, Christiane Lambert. La pollution massive des eaux et des terres, les cancers liés aux pesticides et la destruction de la biodiversité ont de beaux jours devant eux.