
Depuis cinq ans, aucun bidonville n’avait été expulsé par la préfecture de l’Hérault. Les différents préfets avaient peu à peu accepté le principe : « pas d’expulsion sans solution » et favorisé la mise en place du travail social sur le temps long pour accompagner les familles. Deux associations et un opérateur portent ces projets : la Cimade, AREA et 2Choseslune.
Depuis deux ans, la municipalité avait accepté l’idée de se joindre au travail social, finançant à l’unanimité un projet novateur de « sanitation » d’un bidonville, avec l’aide des associations de terrain et d’une association parisienne d’architectes sociaux (Quatorze), incluant une « maison commune ».
Les protagonistes :
Mickaël Delafosse : le Maire socialiste soutient d’Anne Hidalgo, a des ambitions personnelles et la ville est l’une des rares gagnées par le PS.
Hugues Moutouh, Préfet : l’approche des élections entraînent la nomination d’un Préfet ami de Guéant et de Sarkozy. Il vient affirmer l’ordre et la sécurité dès ses premières déclarations.
Les premières décisions d’expulsions sont faites sans aucune concertation et visent à décrédibiliser la mairie. Cette dernière venait effectivement d’accepter de participer à l’effort de résorption des bidonvilles : financement d’un projet novateur de sanitation sur le Zénith 2 et d’une Maison Commune, porté par AREA, la FAP et l’association d’architectes sociaux 14.
Les terrains incendiés et expulsés sont des terrains communaux. La Mairie aurait pu s’opposer aux expulsions mais a choisi de ne pas le faire (malgré des communiqués outrés).
Le 5 août, le bidonville du Mas Rouge brûle en partie. Le 31 août, sur ce prétexte la Préfecture expulse le bidonville. Le même jour, en fin d’après-midi, le bidonville du Zénith s’enflamme à son tour, le feu partant de baraques inoccupées. Le 8 septembre le bidonville est expulsé sur le même motif lié à la « sécurité publique ».
Le 17 septembre, le bidonville de Nina Simone brûle partiellement. Là encore, le feu part d’une caravane vide. Immédiatement, la préfecture annonce son expulsion pour raison de sécurité.
Depuis le début des incendies, des récits circonstanciés et des témoignages d’habitants et d’associatifs révèlent la venue chaque nuit de « commandos » faisant le tour des bidonvilles, tirant en l’air, éclairant à l’aide de projecteurs les habitations et s’éloignant pour éviter tout contact. Pratiques bien connues des fascistes.
En 3 semaines :
Plus de 250 familles ont été jetées à la rue depuis le 31 août. Une moitié d’entre elles végète dans des hôtels sans cuisine et tentent d’y reconstruire un semblant de vie sociale. Elles vivent dans la précarité, suspendues à des fins de « prise en charge hôtelière » pouvant intervenir à tout moment.
Une autre partie a reconstitué des bidonvilles un peu plus en périphérie, un peu plus en marge.
D’autres encore dorment dehors. Tous ont dû renoncer à l’école pour les enfants, sauf une minorité aidée par des bénévoles. Et une grande partie d’entre eux se bat pour conserver les emplois qu’ils avaient trouvés. (...)
Qu’est-ce qui a motivé ce changement de politique ? Pour paraphraser Michelet « ils exagèrent les maux pour nous faire jouir plus vite de la félicité que leurs théories nous préparent (...)
Les premières victimes, ce sont les habitants de ces habitats de fortune qui constituent les bidonvilles. Victimes de stigmatisation, de racisme, de rejet, cantonnés à leurs supposées appartenances ethniques et culturelles, la majorité d’entre eux vivaient à Montpellier depuis plus de douze ans. Ils n’intéressent pas vraiment en temps normal. Mais ils forment des cibles faciles dès lors qu’il faut parler d’insécurité, d’immigration, de délinquance d’« inintégrabilité » pour reprendre les mots de Valls et Collomb (...)
Ce que leurs théories nous préparent : ordre et sécurité néo-libérale, un monde où le précaire n’est qu’une variable d’ajustement. Ah merde… on y est déjà. (...)