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Mediapart
Main arrachée lors d’une opération de gendarmes : un classement sans suite et des questions
Article mis en ligne le 22 mars 2022

En juin 2021, près de Redon (Ille-et-Vilaine), un jeune homme de 22 ans a eu la main arrachée lors d’une opération de gendarmes menée pour interdire une free party. Le parquet de Rennes vient d’annoncer le classement sans suite du dossier. L’avocat d’Alban annonce qu’il envisage de déposer plainte avec constitution de partie civile.

(...) S’agissant de la plainte pour violences volontaires aggravées, ayant entraîné une infirmité permanente, le parquet a retenu la légitime défense des gendarmes : « L’usage des armes par les forces de l’ordre s’est fait en riposte et s’est avéré proportionné », les gendarmes ayant dû faire face à des « approches hostiles et violentes des “teufeurs” [qui] ont lancé des projectiles incendiaires » sur les gendarmes. (...)

Mais rien n’est pour autant retenu contre Alban s’agissant d’une quelconque hostilité ou dangerosité à l’encontre les forces de l’ordre. Par ailleurs, une expertise confirme que ce serait bien une grenade GM2L qui aurait occasionné sa mutilation.

Concernant sa plainte pour non-assistance à personne en danger, n’ayant pu être pris en charge par les secours, le procureur l’a également classée sans suite. Et cela, bien qu’aucun corridor de sécurité n’ait été prévu. L’enquête confirme à ce propos que les pompiers n’ont eu aucune escorte pour venir en aide aux jeunes teufeurs.

Autant de discordances qui conduisent l’avocat d’Alban, Me Stéphane Vallée, à annoncer qu’il envisage de déposer plainte avec constitution de partie civile, afin qu’une information judiciaire confiée à un juge d’instruction puisse être ouverte. Les premiers éléments communiqués par le procureur de la République, Philippe Astruc, nécessitent en effet « des investigations complémentaires et soulèvent de nombreuses interrogations », selon Me Stéphane Vallée. (...)

Le parquet juge que l’usage de « 58 tirs de LBD, 1 602 grenades CM6, 139 grenades MP7, 239 grenades GM2L et de 24 grenades GENL [désencerclement] » est proportionnel.

Il fait fi des images attestant des tentatives de dialogue de certains jeunes avec les gendarmes et passe sur les conditions d’interventions dangereuses, du fait d’un contexte festif, mais aussi de l’absence de visibilité en pleine nuit et de dispositif de sécurité sur ce terrain, situé à proximité d’un cours d’eau. (...)

Selon le procureur, « 24 gendarmes mobiles » ont été blessés et « deux manifestants », dont Alban. Un bilan interpellant puisque,l’association Techno+, reconnue par le ministère de la santé, intervenue auprès des jeunes pour les secourir, a comptabilisé 22 blessés au cours des opérations menées par les gendarmes.

S’agissant des causes de la mutilation d’Alban, la plus grande confusion demeure. (...)

rien ne permet de certifier qu’Alban représentait un quelconque danger ou même qu’il lançait un projectile vers les forces de l’ordre. Néanmoins, se basant sur les propos des gendarmes, le parquet exclut toute disproportion de l’usage de la force.

En revanche, sur l’origine de ses blessures, aucun doute ne subsiste. À la suite d’une première expertise de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale qui, en juin 2021, blanchit les gendarmes, une deuxième analyse est confiée à un collège de quatre experts, dont deux agréés par le Cour de cassation. Le 31 janvier 2022 , ils concluent que la blessure est « compatible avec l’hypothèse d’une mutilation survenue à un moment où la victime ramasse une grenade explosive lacrymogène instantanée GM2L et que celle-ci lui explose à la main ».

Nulle trace dans le rapport du procureur des problèmes de dysfonctionnement de cette grenade qui, comme nous l’avions révélé, a contraint, depuis le 1er juillet 2021, le ministère de l’intérieur à en limiter l’emploi au lance-grenade. (...)

« Au cours de mon audition, j’ai eu l’impression d’une chasse aux sorcières [...] pour connaître le nom des pompiers qui avaient dénoncé cette situation auprès de la presse ». Un des pompiers auditionné (...)

Malgré tous ces éléments, le parquet a classé sans suite la plainte d’Alban pour non-assistance à personne en danger. L’un des pompiers présents le soir des faits est consterné par cette décision du procureur Philippe Astruc. (...)