
La pression scolaire, c’est celle d’une organisation conçue pour ne concerner qu’une minorité de la jeunesse Lycéennes et lycéens plus nombreux en burn-out : une invitation pressante à repenser le curriculum.
Dans l’édition du Monde datée du 13 mai[1], un pleine page, sous le titre « Face à la pression scolaire, des lycéens en burn-out » est consacrée, comme l’indique le sous-titre, à « la hausse des phénomènes anxieux liés au contrôle continu et à l’orientation ». En bas de page, une spécialiste du burn-out scolaire, elle-même psychologue de l’éducation nationale à Rouen, parle d’ « incertitude maltraitante » pour les lycéen.ne.s, en évoquant la « sélection permanente » et en rappelant que « c’est notre système scolaire dans son ensemble qu’il faut interroger. Il a été historiquement pensé pour une élite ».
Il y a à là bien des éléments qui conduisent à interroger notre Ecole.
Nous commencerons d’abord par souligner qu’il est question ici des lycéennes et lycéennes passant des épreuves de spécialité, des lycéens soumis à la réforme du lycée et du baccalauréat. Il s’agit donc des élèves qui ont été reconnus, à la fin de leurs années de collège, comme aptes à entrer en voie générale ou technologique, et non orienté.e.s, de gré ou de force, en lycée professionnel. On parle donc d’élèves considéré.e.s scolairement comme en réussite, et on ne parle pas des autres pour qui la pression scolaire s’est soldée par une orientation plus ou moins contrainte dans une voie de formation professionnelle ou, déjà, par ce qu’on appelle le « décrochage », qui, dans le meilleur des cas, peut déboucher sur une « école de la deuxième chance ». (...)
En 2015, à 15 ans, les élèves français étaient déjà les plus stressés d’Europe, en raison notamment d’une charge de travail importante et d’un temps de présence quotidien en classe considérable. Cette donnée est intéressante, -car elle évite de voir dans cette augmentation du stress un phénomène essentiellement dû à la crise sanitaire et aux incertitudes qu’elle a fait peser sur tous.
La pression scolaire n’est pas nouvelle, mais elle s’exerce aujourd’hui sur une part importante de notre jeunesse, avec l’élargissement de l’accès au lycée général et technologique. Le lycée a certes été réformé à plusieurs reprise depuis le début du siècle (...)
On touche là du doigt la réalité de la pression scolaire. Elle s’exerce bien entendu sur les élèves, mais aussi sur les personnels, dont les capacités d’initiative sont toujours plus corsetées. Les professeurs chargés de préparer l’épreuve anticipée de français du bac se voient par exemple imposées les oeuvres à étudier mais également l’angle d’étude sous lequel les aborder. On n’attend plus d’eux de l’ingénierie pédagogique, mais plutôt un travail d’exécutant, qui peut prendre la forme de gavage dans les enseignements de spécialité. Quant aux personnels sociaux et de santé de l’éducation nationale, ils ne cessent d’alerter sur le nombre de postes non pourvus, qui les contraint à se consacrer exclusivement aux urgences, et non à la prévention et à l’accompagnement de celles et ceux qui en auraient besoin.
Pour les élèves comme les enseignants, il serait heureux de sortir d’une obsession de la note, renforcée par les dispositifs de contrôle continu qui, avec des épreuves communes, transforment l’année scolaire en année d’examen permanent. La note est reine, parce qu’avoir le baccalauréat et sa mention, c’est avoir la meilleure moyenne générale possible.
La pression scolaire, c’est celle d’une organisation conçue pour ne concerner qu’une minorité de la jeunesse qui est étendue désormais à 40% de cette population. C’est celle d’une organisation qui, plutôt que de faire confiance à ses personnels, bride leur créativité. C’est celle d’un curriculum marqué par la course à la note individuelle et la culture de la compétition plutôt que par celle de la coopération et des réalisations collectives. Le burn-out des lycéens nous incite donc à interpeller le curriculum.