
Le gouvernement français continue de voir l’immigration comme un danger, alors que de nombreux citoyens la voient comme une richesse. Les dirigeants successifs cumulent deux défauts, qui sont des injures à la démocratie : ne pas écouter les associations qui s’expriment toute l’année sur la situation des personnes sans papiers, et, pire encore, faire en sorte qu’elles ne s’expriment pas en examinant une loi en plein mois de juillet.
Mesdames, Messieurs les Députés,
A partir du 20 juillet, vous serez amenés à débattre à l’Assemblée autour d’un projet de loi sur le droit des étrangers. De nombreuses associations, de nombreux citoyens sont en désaccord avec ce projet, qui laisse les migrants dans la plus grande précarité et renforce l’approche policière choisie depuis longtemps par les gouvernements successifs pour concevoir leur politique d’immigration. A l’heure où les questions de démocratie et de solidarité se posent de façon brûlante en Europe, ils espèrent que vous les écouterez et saurez remettre en cause cette approche en faisant barrage au projet de loi sous sa forme actuelle. (...)
– Comment l’intégration peut-elle être favorisée par une loi qui maintient les étrangers dans la précarité avec des titres de séjour toujours aussi, voire plus provisoires ? Depuis de nombreuses années, des personnes s’intègrent, mais ce n’est malheureusement pas grâce à la politique menée par les gouvernements successifs, c’est malgré elle. Pour être en accord avec l’idée « consensuelle » d’intégration, le projet de loi devrait prendre le contre-pied de cette politique de précarisation. L’enjeu est évidemment à la fois humain et social.
- Qui est en mesure de donner au mot « talent » une définition permettant de distinguer sans ambigüité deux catégories de migrants : ceux qui seront accueillis en France et ceux qui seront refoulés ? Comment l’idée d’accueillir de préférence des « talents » peut-elle être consensuelle alors que la notion même de talent est subjective ? Et quand bien même une notion objective de talent existerait, serait-il sérieux et humaniste d’accorder des droits différents à ceux qui en ont et à ceux qui n’en ont soi-disant pas ? Le citoyen d’une démocratie est en droit d’être surpris lorsqu’un conseil des ministres décide seul de ce qui est consensuel, qui plus est au sujet de questions qui précisément n’ont jamais trouvé de réponse définitive dans l’Histoire de la philosophie.
- Dans la loi proposée, la volonté de « maîtriser l’immigration » se traduit, une nouvelle fois, par une approche répressive et une atteinte aux droits des étrangers. De nouveaux pouvoirs seront donnés aux préfets en matière de surveillance et de contrôle puisqu’ils seront en mesure de demander aux structures publiques (administrations fiscales, organismes de sécurité sociale, écoles, établissements de soin) et privées (employeurs) toutes les informations pour traquer les étrangers et remettre en question des titres de séjour en cours de validité. Certains étrangers n’auront plus que sept jours, au lieu de trente, pour contester une décision de quitter le territoire français. Les étrangers malades verront leur situation examinée par l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration, au lieu d’être examinée par les Agences Régionales de Santé sous autorité du Ministère de la Santé.
Sur le terrain, les associations constatent les dégâts d’une telle politique répressive. Elles les constatent depuis des années et les gouvernements successifs, au lieu de les écouter et de s’alarmer, continuent dans la même direction. Elles constatent la détresse de milliers d’adultes et d’enfants qui cherchaient un accueil et qui trouvent le mépris. (...)