
La différence est au service de la relation, qui n’est pas absorption de l’autre, qui est épreuve d’un manque, qui appelle une alliance.
Il y a bien des lectures de la différence des sexes. Depuis celles que nous faisons, enfants, qui se limitent à la différence des formes et des forces jusqu’à celles que font les différentes civilisations. J’en reprends trois, les plus connues dans nos cultures.
La différence des sexes a été lue d’abord comme une hiérarchie : celui qui a le phallus est le sexe fort et commande. Celui qui ne l’a pas est le sexe faible et il obéit. Le modèle du rapport des sexes n’est pas le couple d’égaux mais un couple père-fille, ou un couple maître et servante, la femme restant mineure toute sa vie. Quel rôle les religions jouent-elles dans cette lecture phallique ? On ne sait pas dire si ce sont elles qui l’ont inventée ou si elles sont entraînées elles-mêmes, malgré leurs Écritures, à conforter cette loi de la jungle qui ne demande pas beaucoup d’effort de pensée.
La différence des sexes a aussi été lue comme une injustice, la domination masculine dénoncée comme une faute, le fort devenant le méchant ; le faible, vu comme victime, se révolte contre l’abus de pouvoir. On entre dans une ère de révolte et même de vengeance en même temps que de recherche, d’essai d’égalisation. Or cette égalisation est très difficile à établir en ce qui concerne les sexes. Puisqu’il s’agit là d’une différence fortement asymétrique (ce n’est pas comme les chaussons des bébés : il n’y a pas un zizi bleu pour les garçons et un zizi rose pour les filles…).
Enfin, cette égalisation des sexes étant (presque) impossible, elle amène une troisième lecture : certains, parmi disons les intellectuels, en viennent à penser que la différence nous coûte trop cher. Qu’elle est source d’iniquités, qu’elle rend impossible la juste répartition des pouvoirs et des libertés entre les humains. (...)
D’où viennent les enfants ? De la volupté. Qu’on croie en Dieu, qu’on croie en la Nature à l’origine de la vie, chacun constate que, depuis le commencement, la vie a été remise au plaisir, au plaisir de l’un avec un autre. Et non pas au travail ni au savoir. La vie naît du plaisir de se joindre et non pas de la pensée, ni de la maîtrise individuelle (le mot hébreu Eden signifie volupté, délices). Au contraire, dans les récentes techniques de procréation médicalement assistée, la vie est remise au travail et au savoir. Est-il trop tôt pour savoir ce que cela change ?
Un garçon n’a jamais été une fille, ni une fille un garçon. La dissymétrie des sexes est considérable. L’écart de forme et de fonction des deux sexes est si important qu’il rend toute comparaison impossible. Un homme ne sait jamais ce que c’est que d’être une femme et réciproquement. Il y a une inexpérience, une inconnaissance radicales entre eux. (...)