
Après deux ans de tests des nouveaux compteurs dits « intelligents », la décision vient de tomber. Le Premier ministre, lors de son discours de présentation du plan d’investissements d’avenir sur dix ans, a annoncé le déploiement des compteurs Linky. Un appel d’offres sera lancé cet été pour installer trois millions de nouveaux compteurs électriques en France d’ici à 2016. Et en 2020, tous les logements devront être équipés. Cependant, l’État ne mettra pas la main à la poche, l’investissement, estimé au total à 5 milliards d’euros, sera, a-t-il assuré, financé par EDF sur ses fonds propres. Laquelle pourrait bien faire payer l’abonné ultérieurement en majorant le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE).
(...) faire des économies d’énergie suppose que l’utilisateur puisse visualiser sa consommation en temps réel. Un avantage que vantent les publicités d’EDF, mais qui est loin d’être une réalité. En effet, les compteurs électriques sont souvent situés en dehors du logement. Un affichage déporté aurait fait l’affaire, mais, malgré des demandes réitérées, les associations n’ont pas pu l’imposer. « Cette exigence fondamentale, si on veut que le Linky présente un intérêt pour les usagers, n’est pas demandée à ERD, constate l’UFC-Que choisir. Son seul impératif, c’est de permettre de visualiser sa consommation d’électricité en se connectant sur Internet ou via un smartphone. On est à mille lieues d’un petit écran placé dans l’entrée ou la cuisine qui donnerait, en temps réel, la consommation des appareils et des usages ! » D’autant plus que cette option serait aux dernières nouvelles payante !
Cet affichage sur Internet soulève d’autres inquiétudes : en cas de piratage, les données livreraient des informations sur la présence au domicile et pourraient permettre aux cambrioleurs de choisir leurs horaires de visite…
En janvier 2013, la Cnil publiait une première recommandation dans laquelle elle estimait que la fréquence des relevés journaliers de consommation devait être limitée, pour ne pas livrer trop d’informations précises sur les habitudes de vie des personnes. Elle annonçait également la création d’un groupe de travail « pour aboutir à la publication de bonnes pratiques, en concertation avec les industriels du secteur » d’ici à l’été 2013. Depuis, c’est silence radio (...)
L’opacité technique et la perspective de collecte par EDF de données indicatives de ce qu’ils font chez eux ne rassurent pas les utilisateurs. Et il a clairement été dit que les fournisseurs d’électricité – ou leurs partenaires – pourraient ainsi concevoir des services sur mesure, dont on imagine qu’ils ne seront pas gratuits. Faute de précisions sur tous ces points, l’annonce de la généralisation de Linky laisse donc l’impression qu’une fois de plus les usagers devront, quoi qu’il en coûte, se soumettre aux nécessités de la croissance.
Pour l’UFC « le compteur Linky ne favorisera pas les économies d’électricité : il est conçu avant tout dans l’intérêt d’ERDF et des fournisseurs d’électricité, EDF en tête ». (...)
À bien y regarder, on se dit que Linky et autres compteurs intelligents s’inscrivent parfaitement dans l’évolution vers cette société de la surveillance consentie dont on nous ressasse les avantages. Une évidence pour le collectif grenoblois Pièces et Main d’œuvre qui estime que « Linky illustre la “planète intelligente”, le programme de pilotage global et cybernétique de la société, vendu depuis des années par IBM au pouvoir pour gérer la réduction des “ressources” à l’époque de l’effondrement écologique et social ».