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Lettre ouverte des habitants de l’Ambassade des immigrés à Emmanuel Macron
Article mis en ligne le 21 mai 2022

Depuis plus d’un mois, des sans-papiers et réfugiés à la rue occupent un immeuble vide possédé par une filiale de la Société générale, vide depuis des années, en plein cœur de Paris. Dans une lettre ouverte, ces habitants de « l’Ambassade des immigrés » soutenus par de nombreux collectifs et personnalités politiques et artistiques interpellent Emmanuel Macron. « Nous voulons les mêmes droits et la même considération que les Ukrainiens, que les migrants qui sont blancs. »

Depuis plus d’1 mois et alors que l’extrême droite domine le débat public, des sans-papiers et réfugiés à la rue, des personnes solidaires et le collectif La Chapelle Debout ! occupent un immeuble vide possédé par une filiale de la Société générale, vide depuis des années, en plein cœur de Paris, dans le 9ème arrondissement. Dans ce lieu, des citoyens français de toute origines et des étrangers se rencontrent, s’efforcent d’exister ensemble et s’organisent pour défendre l’égalité des droits et pour dire non au racisme. Tous réclament l’égalité de traitement entre migrants ukrainiens et migrants de toutes les nationalités. Ils sont assignés à comparaître en justice le 9 juin prochain dans le cadre d’une procédure d’expulsion. Ils font face à tout moment au risque que l’eau et l’électricité leur soient coupées et d’être remis à la rue.

Monsieur le Président de la République,

Les noms de nos pays et de nos dictateurs diffèrent mais nos histoires sont les mêmes. Nous, les immigrés, n’avons pas trouvé le droit de vivre dans nos pays.

Comme tout le monde, nous aurions aimé travailler, étudier et apprendre.

Nous n’avons jamais voulu partir.

Dans nos pays, nous avons échappé à la mort, certains d’entre nous se sont échappés de prison. Parce que nous n’avons pas trouvé le droit d’y vivre, nous avons traversé le Sahara puis nous avons risqué notre vie en traversant la Méditerranée.

Pendant ce voyage nous avons perdu beaucoup trop d’entre nous.

Lorsque nous sommes miraculeusement arrivés sur les côtes européennes, nous étions heureux car nous croyions alors être en sécurité dans des États de droit, particulièrement en France.

Mais lorsque nous sommes arrivés, nous sommes allés à la préfecture, nous avons donné nos empreintes et nous avons été Dublinés hors de France. On nous a promis que notre Dublin prendrait fin après 6 mois et nous ne savions pas, alors, qu’en réalité nous pourrions attendre deux ans avant d’être convoqués à l’OFPRA. On nous met en procédure accélérée illégalement. On nous coupe l’argent, le logement et on ne nous laisse rien.

Il faut connaître la loi pour pouvoir se défendre.

Quand on a aucune aide pour être réintégré dans le système, en être écarté est lourd de conséquences.

Aujourd’hui, même la rue nous est interdite.

La police vient à 3h, à 4h du matin. Ils attendent que nos tentes soient vides puis nous gazent et lacèrent nos tentes pour qu’on ne puisse pas y retourner.

Nous avons rencontré ici de plus grands problèmes encore que dans nos pays.

C’est alors que nous nous sommes demandé si, ici, nous étions vraiment des êtres humains, si nous avions vraiment le droit de vivre.

Après tout ça, ils nous déboutent de l’asile, sans raison. Ils nous trimballent à la CNDA, que nous attendons toujours trop longtemps.

On nous déporte alors que pour certains nous sommes là depuis 6 ans, 7 ans.

Et parmi celles et ceux d’entre nous qui ont arraché des papiers, beaucoup sont malgré tout à la rue. A quoi bon avoir des papiers mais pas de logement après 10 ans. (...)