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orient XXI
Lettre ouverte au président Macron en voyage en Égypte
Bahey Eldin Hassan Directeur du Cairo Institute for Human Rights Studies.
Article mis en ligne le 28 janvier 2019

Sur les disparitions forcées · En Amérique latine , dès la fin des années 1970, les « disparitions forcées » étaient dénoncées par les organisations internationales, qui ont ainsi contribué à discréditer nombre de dictatures du continent. A contrario, cette pratique a pris une dimension sans précédent en Égypte, dans l’indifférence des gouvernements qui se réclament des droits humains. Et il est peu probable que le président Emmanuel Macron aborde cette question lors de son voyage officiel dans ce pays.

Lundi 28 janvier 2018, le président Macron effectuera sa première visite officielle en Égypte. Je suis sûr qu’il est au courant des nombreuses accusations portées par les ONG égyptiennes et internationales de défense des droits humains contre son partenariat avec le gouvernement égyptien, qu’il soutient dans la répression sanglante de son propre peuple. L’année dernière, quand il a rencontré le président Abdel Fattah Al-Sissi, Emmanuel Macron a dit qu’il ne lui « ferait pas la leçon » sur les droits humains ; je ne sais pas s’il a dit cela par conviction que les Égyptiens ne sont pas aussi dignes que les Français d’exercer ces droits, ou parce qu’il se sentait coupable de ce partenariat honteux dans les crimes commis contre les Égyptiens.

Je suis sûr que le président Macron est conscient, comme beaucoup d’autres, des horreurs des dictatures militaires d’Amérique latine, mais je suis également certain qu’il ignore à quel point l’Égypte leur ressemble.

Au cours des trois dernières décennies, la Colombie a été le théâtre d’un phénomène appelé « FauxPositifs » : les forces de sécurité ont kidnappé des gens dans des zones périphériques, les ont exécutés, puis les ont déguisés en guérilleros. Environ 5 000 civils ont été victimes d’exécutions extrajudiciaires au cours de ces années-là. Le même phénomène a lieu en Égypte. Avec toutefois une différence dans le modus operandi et dans l’échelle.

UNE SITUATION PLUS ALARMANTE QUE CELLE DE LA COLOMBIE
Alors qu’en Colombie, 40 % des 2 000 combattants officiellement tués en 2007 étaient en fait des civils exécutés, en Égypte le chiffre est plus horrible, même si l’on s’en tient à la seule région du Sinaï.

Les experts estiment qu’il y a de 1000 à 1500 combattants de l’organisation de l’État islamique (OEI) en Égypte. Pourtant les responsables de la sécurité ont fièrement déclaré en avoir tué 6 000 depuis le milieu de l’année 2013. Contrairement aux « faux positifs » d’Amérique latine, où les exécutions ont eu lieu le jour même de la disparition des victimes, en Égypte, les victimes sont exécutées plusieurs jours, voire plusieurs mois après leur disparition. Entre temps, elles ont très probablement été stockées comme du bétail humain. (...)

Après son coup d’État de juillet 2013, Sissi a réussi à consolider son pouvoir et à intimider les institutions publiques d’une façon sans précédent dans l’histoire moderne de l’Égypte. Il a presque nationalisé l’appareil judiciaire, le Parlement et les médias.

Il est devenu impossible pour tout citoyen ou institution égyptienne de le tenir responsable de ses crimes contre les droits humains, car il risque de payer un prix insupportablement élevé. C’est pourquoi Sissi a eu l’audace de promette publiquement à ses officiers : « si un officier blesse ou tue des manifestants, il ne sera pas jugé. » (...)

En l’absence de moyens crédibles d’établir la vérité et de faire rendre des comptes sur les événements horribles qui se déroulent en Égypte depuis cinq ans, l’ONU a la responsabilité morale, avant sa responsabilité juridique, de soumettre ces atrocités à une enquête internationale. Cela ne sera toutefois pas possible sans le soutien d’États clés comme la France. Le président Macron a l’intention de rencontrer des défenseurs des droits humains au cours de sa visite en Égypte. Il suppose qu’une réunion de quelques minutes pourrait l’aider à se laver les mains de son partenariat avec l’Égypte dans l’assassinat et la répression du peuple égyptien. Ce n’est pas le cas ; le temps est venu d’agir. (...)