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Lettre ouverte à mon Grand Père,
La citation du jour... : « Si tu ne participes pas à la lutte, tu participes à la défaite » Bertold Brecht
Article mis en ligne le 19 octobre 2010

Cher Grand-père,

Je tiens à t’écrire cette lettre pour m’excuser car je sais que toi, tes collègues et tous les salariés se sont battus pour que l’on puisse travailler dans de bonnes conditions avec de bons salaires, des vacances et aujourd’hui tout est remis en cause sans grand mouvement des salariés !

Mon activisme consiste à mobiliser et encourager mes collègues dans le maintien de nos droits de façon Solidaire. La plupart préfère partir, changer d’emplois car ailleurs c’est la même merde, la même souffrance au travail, la même paye de misère. Alors je me remémore ton histoire, la NÔTRE, celle que tu me racontais avec tant de ferveur.

Je me souviens Grand Père quand tu me racontais ton premier emploi à 16 ans fin 1935 chez Carel&Fouché (entreprise de construction de wagons et de voitures), les 48 heures de travail hebdomadaire, les heures suppl. non payées car nécessité de finir le boulot à temps, interdiction de se rassembler, de se syndiquer. Il y avait certes des réunions en douce mais la peur était présente. De 1934 à 1936, les mouvements sociaux ont poussé le gouvernement de Léon Blum (Front Populaire) à signer les « accords de Matignon » avec les patrons et la CGT à savoir la généralisation des Conventions Collectives, les premiers 12 jours de congés payés, les 40 heures, 12% d’augmentation de salaires, et les délégués du personnel.

Mais l’Etat de grâce fût de courte durée pour toi et tes collègues car le décret-loi Reynaud abrogea en 1938 : les 40h, les Conventions Collectives et les délégués d’entreprises ! 18 jours plus tard, certains de tes collègues ont entrepris un mouvement qui rassembla tous les salariés pour obtenir l’abrogation de ce décret. Le gouvernement brisa la grève avec force : Sanction dans le Public et licenciement dans le privé. L’entrée dans la guerre a fait naitre dans l’entreprise un sentiment de mécontentement profond qui vous a soudé, uni et qui finalement vous aura fait basculer dans la Résistance. Le gouvernement de Vichy entre 1940-1941 supprime les confédérations syndicales et le droit de grève.

Avec ma grand-mère, tu as lutté pour le droit des femmes dont le droit de vote a été accordé seulement en avril 1944 (20 ans après la Turquie !!!) ; peu de temps après, en 1945, le congé maternité obligatoire est voté (8 semaines), les salariés sont associés à la gestion des comités d’entreprises (qui plus tard ne géreront que les oeuvres sociales).

En 1946, le gouvernement de la Quatrième République transforme le droit du travail. De nouveaux droits apparaissent, à savoir : la liberté syndicale ; le droit de grève ; l’interdiction des discriminations ; création des services de médecine du travail à la charge du patronat. Ces droits seront rappelés dans la Constitution de 1958. Après guerre en 1947, les pénuries se font courantes, les tickets de rationnement et la hausse du prix de certains produits (+ de 50%) alors que les salaires n’augmentent que de 10%, déclenchent chez Carel ton entreprise et dans de nombreuses autres de grosses grèves. La CGT demande peu de temps après la reprise du travail, c’est alors que se crée le syndicat FO (scission de la CGT). Le gouvernement applique comme cela était prévu le programme du CNR (Conseil National de la Résistance) :

- Nationalisations (Renault, les Houillères, le transport aérien, les 4 plus grosses banques privées, EDF/GDF,…)

 Tous les salariés bénéficient désormais de la Sécurité Sociale financée par les cotisations patronales et salariales et gérée par les représentants des salariés. Elle prend en charge la maladie, la vieillesse, mais aussi l’invalidité. L’Etat prend en charge l’indemnisation du chômage.

En 1950, le Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti est institué (remplacé le 21 janvier 1970 par le Salaire Minimum Interprofessionnel de Croissance) et restauration des Conventions Collectives mais modifiée par rapport à celles de 1936 ! Avec tes collègues ouvriers vous vous êtes félicités de l’ouverture des droits à la grève pour les salariés de la Fonction Publique.

En 1956, tes collègues et toi vous êtes félicités de l’arrivée du premier gouvernement de Gauche qui octroie à tous les salariés la troisième semaine de congés payés. 2 ans plus tard, c’est l’euphorie dans l’entreprise avec la création de l’assurance-chômage qui permet pour la première fois à tout travailleur ayant perdu son emploi le droit à un revenu de remplacement.

Quel bonheur aussi pour ma grand-mère enceinte en 1966 de ma maman de voir son congé maternité passé de 8 à 14 semaines !!!

Les salariés et les gens changent, les luttes s’intensifient (Abbé Pierre-Hiver 1954 ; lutte pour le droit des femmes) mais la société se fige et n’évolue pas au même rythme. Cette frustration grandissante va finir par aboutir sur Mai 1968.

A cette époque, Grand Père tu avais 48 ans et tu n’avais pas vu venir l’exaspération grandissante, mais fidèle à tes convictions tu as soutenu avec tes collègues le mouvement étudiant qui voulait remettre en cause la société de consommation, d’asservissement et d’inégalité. A Paris, certains parlent de guerre civile tellement les affrontements sont impressionnants.

De Gaulle sort le 19 mai « La réforme Oui, la Chienlit Non ! » mais avec Pompidou il finit le 27 mai 1968 par signer les célèbres Accord de Grenelle, en augmentant le SMIG, les salaires et en ajoutant une quatrième semaine de congés payés.

Les crises des années 1970 avec les chocs pétroliers, l’inflation importante et le chômage qui commencent son ascension voient se figer les mouvements ouvriers. Le patronat joue sur la peur du chômage. Des restructurations commencent dans les entreprises notamment chez Carel : nouvelle organisation du travail, productivité accrue, gel de postes. Les premiers plans sociaux apparaissent. Le pouvoir d’achat et le spectre des privatisations font leur apparition…

En 1971, le principe du congé individuel à la formation est généralisé. Deux ans plus tard, l’Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail est crée. Le développement de l’informatique et la robotisation dans l’entreprise augmentent la productivité mais réduisent encore les effectifs dans l’entreprise. La période est dure.

En 1981, la gauche revient au pouvoir avec un homme qui « n’a pas le monopole du cœur » : François Mitterrand !

C’est ainsi qu’en 1982, les 39 heures et la cinquième semaine de congés payés sont instaurées. La loi Auroux accorde le droit d’expression dans l’entreprise avec le développement des institutions représentatives du personnel, la négociation collective, la loi sur le Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail. C’est à cette époque que tu y siègeras pour améliorer le sort des ouvriers.

C’est avec la Gauche de Mitterrand que tu verras l’apogée de ton combat en voyant arriver la même année la retraite à 60 ans (37,5 années de cotisation)… Retraite que tu prendras à tes 63 ans !

Mais peu de temps après, ce grand homme te décevra car sont arrivés les plans de rigueur, les privatisations et le reniement de la Gauche des Peuples que tu avais tant apprécié.

Je m’aperçois que ce pourquoi toi grand père, nombre de tes collègues et amis résistants se sont battus et sont morts non seulement pour La France mais aussi pour que vos enfants et petits-enfants puissent vivre dans un monde meilleur où ce n’est pas l’argent qui décide mais les Peuples. Tout ceci est aujourd’hui mis à mal par les patrons et les gouvernements Français et Européens ! Alors aujourd’hui Grand père, l’heure de la lutte a sonné, le combat doit reprendre pour pouvoir garder ces acquis chèrement conquis. Je comprends seulement maintenant pourquoi tu m’as raconté ton histoire avec ces moments d’émotion, de déception mais aussi de victoires. La lutte ne s’arrête jamais car « s’arrêter c’est reculer ». Or depuis 20 ans, les mobilisations s’enlisent, certains syndicats jouent le jeu des gouvernements et des patrons au détriment des salariés et des peuples. Alors Luttons pour que ton combat Grand Père ne soit pas vain…

Ton Petit fils