L’extrême droite montre son vrai visage. Un visage raciste qui, en voyant les banlieues s’embraser, parle ouvertement d’ « émeutes raciales » et de « guerre civile ». Un visage ultrasécuritaire, prêt à trouver toutes les excuses pour le policier qui a tué Nahel, jusqu’à réunir près de 1,5 million d’euros afin de le soutenir. Un visage violent, avec des milices qui ne se cachent plus et sont désormais soutenues jusqu’au Rassemblement national. « Je n’avais jamais assisté à un tel déferlement de haine à ce point assumé, remarque l’historienne Ludivine Bantigny. Un déversoir raciste qui s’affirme désormais dans l’espace public mais aussi par une présence physique et organisée. »
Marine Le Pen, qui pense avoir terminé son entreprise de dédiabolisation, laisse ses soutiens cracher leur venin tout en restant en retrait. « LR et Éric Ciotti diffusent ses thèses d’extrême droite, les députés RN suivent et Le Pen n’a pas besoin de parler, c’est du pain bénit pour elle », mesure l’historien des idées Stéphane François.
Cagnotte, permis de tuer : le soutien inconditionnel à la police (...)
Dès le meurtre de Nahel, les représentants du Rassemblement national, sans compassion pour la victime, se sont empressés de défendre la présomption d’innocence du policier et de nommer le jeune homme comme un responsable de sa propre mort, pour son « refus d’obtempérer » ou son « passif de délinquant ». Comme si son profil accordait un permis de tuer à la police.
En quelques jours, l’extrême droite comme le président du parti « Les Républicains », Éric Ciotti, se sont ensuite attelés à retourner le débat sur la police. La question urgente et nécessaire de sa refonte a vite été reléguée. (...)
Car la question que veut imposer l’extrême droite, comme Jordan Bardella, est la suivante : « Comment mieux protéger les forces de l’ordre ? » Les propositions vont bon train, entre durcissement des sanctions ou même « l’instauration d’une présomption de légitime défense », défend la députée RN Géraldine Grangier. Une mesure qui pourrait multiplier les meurtres comme celui dont Nahel a été victime. Marion Maréchal (Reconquête) prône même, pour tout citoyen, le « droit de se défendre même si cela entraîne la mort si un individu s’introduit chez vous ».
Dans une indifférence quasi générale, d’autres vont encore plus loin, comme la youtubeuse Tatiana Ventôse, qui a participé au lancement de l’école des cadres du RN, et estime qu’il faut « autoriser le tir à vue », et, en sous-texte, le droit pour les policiers de tuer « sans avoir de retombées ». (...)
Loin de tout « apaisement », la cagnotte honteuse et provocante en faveur de la famille du policier qui a tué Nahel, créée par l’ancien RN et partisan d’Éric Zemmour Jean Messiha, (...)
« Guerre civile raciale » : racisme et passage à l’acte
Des syndicats de police, gangrenés par l’idéologie d’extrême droite et qui ont désormais micro ouvert, ont aussi laissé libre cours à leurs idées fascistes. Comme les organes majoritaires Alliance et Unsa-Police, « en guerre », qui appellent au « combat » contre les « nuisibles » et les « hordes sauvages ». Éric Zemmour, omniprésent sur CNews depuis une semaine, parle, lui, de « guerre civile raciale », Jordan Bardella d’ « ensauvagement de la société lié à l’immigration » et le RN Jérôme Buisson d’« émeutes raciales ». (...)
« Ces mots renvoient à une logique accélérationniste, doctrine selon laquelle il faut tout faire pour déclencher une guerre civile, qui, selon eux, est même arrivée aujourd’hui », analyse Stéphane François. Pour l’historien spécialiste de l’extrême droite, les révoltes violentes viennent, d’après ces groupuscules, « accréditer leur double discours, selon lequel les banlieues sont peuplées de populations hostiles aux Blancs, et qu’ils sont les nouveaux garants de la sécurité, pour rétablir l’ordre dans la chienlit ».
Des groupes fascistes violents qui pourraient garnir leurs rangs et passent déjà à l’offensive. Depuis une semaine, leurs réseaux sociaux prônent « l’extermination de cette vermine », et d’autres expliquent, avec une photo de drapeau nazi, que « la solution pour arrêter tout ça, c’est eux ».
Depuis ce week-end, à Lorient, Saint-Brieuc, Lyon, encore à Chambéry et Angers la nuit de lundi à mardi, des milices fascistes ont attaqué des personnes dans les rues en descendant par dizaines au son de chants racistes, parfois armés de fusils ou escortés par la police. (...)
Extrême droite légitimée, gauche diabolisée : un nouveau tournant
Le gouvernement, lui, ne réagit pas à ces attaques fascistes, ni aux propos racistes et incendiaires qui vont de LR à Reconquête en passant par le RN. « Des horreurs entendues aujourd’hui étaient impensables il y a vingt ans », remarque le sociologue Willy Pelletier. (...)
Dans ce glissement général vers l’extrême droite, la dédiabolisation du RN va de pair avec la diabolisation de la gauche.
Car, au-delà des propos de Jean-Luc Mélenchon et certains députés FI, désapprouvés par une partie de la Nupes, c’est toute la gauche, son histoire, ou encore les sciences humaines qui sont pointées du doigt. (...)
Les personnalités progressistes sont aussi clairement ciblées par les groupes fascistes. Des appels à tabasser le journaliste de StreetPress Mathieu Molard ont fleuri sur des canaux Telegram d’extrême droite, qui ont déjà visé plusieurs députés de la Nupes.
La banlieue « arrosée d’argent », un bouc émissaire électoralement rentable (...)
Ce rejet de toute cause sociale dans les violences et du besoin d’investissements publics dans les banlieues pourrait être porteur électoralement, selon Stéphane François : « Dans l’idée qu’il ne faut pas créer des centres culturels puisque ces sauvages vont les brûler, cette critique fonctionne. Le Pen peut jouer sur son profond mépris des banlieues comme sur du velours. »
« L’extrême droite désigne un bouc émissaire facile, une fausse évidence, car l’idée d’une banlieue arrosée d’argent public est évidemment fausse au regard de tous les indices, décrypte le sociologue au CNRS Willy Pelletier. Et cela plaît à la fois au vote bourgeois et à certaines classes populaires. » (...)
Avec cette crise, le plafond de verre électoral déjà très fragile de l’extrême droite et de Marine Le Pen pourrait bien exploser. Et le sursaut de la gauche n’en est que plus urgent.