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France Culture
Les retours des enfants de djihadistes
Article mis en ligne le 21 avril 2021

Elles accueillent ceux qu’on appelle "les enfants du djihad" quand ils sont rapatriés en France. Elles les élèvent comme leurs propres enfants. Si elles ont une peur, c’est celle de la réputation de graines de terroristes qui leur est faite. Elles sont prêtes à tout pour les protéger et les aimer.

Elles accueillent les enfants du jihad et tiennent à garder l’anonymat pour protéger leurs familles. Elles s’appellent donc "Madame" avec des initiales et témoignent de leur expérience, dans le département de la Seine-Saint-Denis.

Madame T. est l’une d’entre elles. Depuis deux ans, elle héberge deux jeunes enfants. Quand on lui a demandé si elle était prête, elle n’a pas hésité. Ils n’ont pas plus de quatre ans quand elle les voit pour la première fois :

Le jour où les enfants sont arrivés, pendant que j’étais en conversation avec la personne qui allait chercher les enfants, j’ai entendu un cri perçant. J’ai demandé si c’étaient les enfants qui pleuraient, et on m’a dit « oui ». J’ai vraiment eu le coeur déchiré : c’est un enfant qu’on a arraché à sa mère. La séparation a été difficile. J’ai tout de suite compris ce qui m’attendait.

Dès le premier jour, Madame T. les lave, les habille et leur fait à manger.

La solidarité dans la fratrie m’a frappé. Quand tu donnes quelque chose à un, il te regarde pour savoir si tu vas aussi donner l’autre. Sinon, il est prêt à partager.

Le petit garçon présente quelques problèmes : il a la gale, ne parvient pas à dormir et erre dans la maison pendant la nuit. Très rapidement, le fils de Madame T. remarque aussi qu’il a des réflexes assez développés : il maîtrise des prises de combat ou des techniques d’étranglement et n’hésite pas à violenter sa sœur. Madame T le gronde.

Le bâton qu’il trouve, pour lui c’est un fusil. Il le prend et fait « pan, pan, pan ».

Pendant l’été, Madame T. décide de leur préparer des glaces à la coco. Les enfants sont intrigués par le bruit que fait la sorbetière dans la cuisine. La mère d’accueil doit leur expliquer ce qu’est ce bruit étrange :

Ils étaient à l’affût des petits bruits, ils écoutaient tout. Ils ont été éduqués à repérer ces bruits là, et je pense que ce sont des drones, d’après ce qu’on nous dit — les drones qui passent là-bas.

Quand la mère des deux enfants sort de prison, les enfants ont l’occasion de la revoir. Ils reviennent avec pléthore de cadeaux, mais le petit garçon a reçu un pistolet en plastique. Pour Madame T., c’est à la fois bizarre et « trop tôt ». Si elle ne dit rien sur le moment, elle décide de le subtiliser.

Cette expérience incite à rester anonyme et discret. À cet égard, Madame T. redoute les dangers qui peuvent planer sur sa famille et les enfants (...)