
Aux États-Unis, l’inversion de la courbe du suicide chez les jeunes inquiète de plus en plus les chercheurs. Un phénomène particulièrement saillant chez les filles.
Après des décennies de baisse constante, les suicides et les symptômes dépressifs chez les jeunes âgés de 13 à 18 ans sont repartis à la hausse aux États-Unis depuis 2010. Et pas qu’un peu. Une tendance d’autant plus préoccupante chez les adolescentes. Chez les jeunes filles, le taux de suicide a augmenté de 65% entre 2010 et 2015 et a été multiplié par deux depuis la fin des années 1990.
Tels sont les résultats d’une grande étude menée par une équipe de psychologues affiliés aux universités de San Diego et de Floride, sur la base de deux enquêtes rassemblant 506.820 individus. Un travail montrant que la prévalence des symptômes dépressifs est indépendante de la classe sociale et que le Nord-Est des États-Unis semble relativement épargné par cette nouvelle vague suicidaire. (...)
Comment expliquer ce phénomène ? Jean M. Twenge, Thomas E. Joiner, Megan L. Rogers et Gabrielle N. Martin n’établissent aucun lien de causalité directe, mais pointent du doigt de probables coupables : l’usage des écrans en général et des réseaux sociaux en particulier. Ainsi, selon leurs calculs, les adolescents branchés sur leurs smartphones plus de cinq heures par jour ont 66% de risque supplémentaire de souffrir de symptômes suicidaires que ceux qui ne consacrent qu’une heure quotidienne aux écrans.
En outre, la hausse spectaculaire du taux de suicide et des symptômes dépressifs chez les adolescents coïncide avec le boom des appareils connectés et de la fréquentation des réseaux sociaux. En 2015, 92% des adolescents américains possédaient un smartphone.
Manque d’appartenance et pesanteur
Des données cohérentes avec la théorie interpersonnelle du suicide, selon laquelle les envies et le passage à l’acte suicidaires relèvent de deux facteurs de risque combinés : le manque d’appartenance (le fait de se sentir exclu, isolé, coupé du monde) et la perception de pesanteur (l’impression d’être un poids pour son entourage). Ce que la consommation excessive de réseaux sociaux pourrait favoriser. (...)
si les pensées suicidaires et les tentatives de suicide sont à peu près quatre fois plus nombreuses chez les femmes, les hommes « réussissent » quatre fois plus souvent leur suicide que les femmes.