
"J’ai été élu pour représenter les citoyens de Pittsburgh, pas de Paris", affirmait Donald Trump au mois de juin pour justifier sa décision de sortir de l’Accord de Paris. En citant la ville qui fut la capitale mondiale du charbon et de l’acier, et est désormais un emblème de la "révolution" des gaz de schiste aux États-Unis, Trump envoyait un message clair : entre le climat et les intérêts de l’industrie fossile, il avait choisi.
Un choix qui a le mérite de montrer, par un effet de miroir, l’horizon d’une politique climatique ambitieuse : suivre le chemin inverse de celui choisi par Trump. Autrement dit : assumer de prendre des décisions qui vont directement à l’encontre de l’industrie fossile. (...)
Nous avions rendu compte (1), en amont de la COP21, du refus de la communauté internationale d’envisager, si ce n’est une interdiction, a minima des restrictions à l’exploitation des énergies fossiles. Nous nous attendions donc à ce que l’industrie fossile réagisse et à ce que les forces conservatrices déploient toute leur énergie pour maintenir l’existant –c’est-à-dire la possibilité de forer toujours plus loin et plus profond. En ouverture du débat parlementaire, Nicolas Hulot exhortait les députés à se montrer courageux, en soulignant la dimension libératrice de l’interdiction d’explorer et d’exploiter des gisements d’hydrocarbures : son texte de loi devait nous permettre de "retrouver notre liberté -liberté de renoncer à notre addiction aux hydrocarbures".
Grâce à une mobilisation rapide (plusieurs milliers de messages envoyés aux député.e.s siégeant dans les commissions "Affaires économiques" et "Développement durable" de l’Assemblée nationale) et à un gros travail de plaidoyer de 350.org, des Amis de la Terre, d’Attac France et des collectifs en lutte contre l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures de schiste et de couche, le texte de loi était arrivé renforcé devant l’ensemble des député.e.s.
Las, au gré d’amendements d’un gouvernement et de députés plus enclins à écouter les tenants de l’immobilisme que ceux qui, depuis des années, se mobilisent pour "mettre fin aux énergies fossiles", le projet de loi a été affaibli. (...)
Les reculs du gouvernement sur le projet de loi Hulot nous montre que l’État n’a toujours pas pris la mesure de l’état d’urgence climatique dans lequel nous sommes. Il ne s’agit pas du renoncement d’un homme (Nicolas Hulot) qu’il faudrait vouer aux gémonies, mais du symptôme d’un mal plus profond. Nous continuons à faire de la politique et à voter des lois comme si le réchauffement climatique était une menace abstraite, distante. Comme s’il suffisait d’un peu de communication et de quelques modifications à la marge de cette fabuleuse machine à réchauffer la planète qu’est notre système économique.
Comme Nicolas Hulot le faisait (presque) dire à Jacques Chirac, dans le discours que le premier avait écrit pour le second, "notre maison brûle et nous votons ailleurs".