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Les profs doivent-ils aimer leurs élèves pour les aider à réussir ?
Mael Virat est chercheur en psychologie à l’École nationale de protection judiciaire de la jeunesse.
Article mis en ligne le 10 mai 2019
dernière modification le 8 mai 2019

Malgré l’accumulation de données sur la place des émotions et des sentiments dans les apprentissages, nombreux sont les acteurs du système éducatif qui considèrent encore que les affects n’ont pas leur place à l’école. Une norme demeure solide en France : les enseignants doivent faire preuve de distance professionnelle avec les élèves. Cette norme, faute de s’appuyer sur une conceptualisation claire, laisse souvent penser qu’il ne faudrait pas établir de lien affectif avec ses élèves.

Pourtant, les chercheurs ont accumulé, depuis deux décennies, une quantité impressionnante de résultats indiquant que la relation enseignant-élève, lorsqu’elle permet l’établissement d’un lien affectif sécurisant, favorise les apprentissages et, au-delà, le développement psychosocial des enfants et des adolescents.

Quelques analyses d’ensemble montrent que les conclusions de différentes études sur le sujet convergent. En particulier, la relation affective entre un élève et un enseignant a des effets positifs – motivation, persévérance et réussite scolaire, sentiment d’appartenance à l’école mais également adaptation psychosociale en dehors de l’école – et ces effets peuvent encore s’observer plusieurs années après. Il est étonnant que l’institution éducative française n’ait pas encore intégré les conclusions de tous ces travaux.
Implication personnelle

En cherchant à évaluer les attitudes des enseignants qui soutiennent la construction d’une relation sécurisante avec les élèves, il est intéressant de questionner leur engagement affectif. Y a-t-il un intérêt à aimer ses élèves, dans le sens d’un amour altruiste ? On entend par là « une attitude centrée sur la préoccupation, la sollicitude et la tendresse, ainsi qu’une tendance à soutenir, aider et comprendre les autres » (Sprecher & Fehr, 2005). (...)

Plus globalement, c’est l’idée même de neutralité qui apparaît curieuse dans le contexte de la relation éducative. En effet, la relation éducative – qui peut être définie comme « une relation asymétrique où l’adulte se montre sensible et disponible, où il se sent responsable du développement de l’enfant et où il lui fournit aide et soutien, en particulier sur le plan émotionnel, tout en se préoccupant de la manière dont l’enfant reçoit ce soutien » – s’appuie sur l’engagement personnel et authentique de l’enseignant, qui ne peut se faire sans un certain dévoilement de soi.

Les connaissances sur la relation enseignant-élève semblent accorder une grande responsabilité aux enseignants. Elles fixent aussi une grande responsabilité au système éducatif et aux établissements scolaires, dans la mesure où l’engagement des enseignants est largement dépendant du contexte de travail.

Ainsi, des normes défavorables aux liens affectifs (la distance professionnelle, la neutralité…), mais également des effectifs de classe importants, des emplois du temps très compartimentés ou encore une charge de travail très lourde peuvent avoir raison des meilleures volontés. (...)

La bienveillance, un concept flou

La récente attention accordée à l’idée de bienveillance à l’école puis les prescriptions officielles visant à en faire une norme professionnelle pourraient laisser penser que les choses ont déjà bien changé. Pourtant, cela n’est pas certain : on peut craindre que la bienveillance se révèle être une notion confuse, objet d’usages multiples.

Une enquête récente suggère ainsi qu’il s’agit d’une notion « trop floue » pour les acteurs du système éducatif (Saillot, 2018), pour qui elle pourrait finalement aussi bien « tout dire que pas grand-chose ». C’est pourquoi certains proposent de mieux définir la bienveillance, notamment pour comprendre ce qu’elle implique en termes de relation affective. (...)