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le Devoir/Jean-François Nadeau, 16 janvier 2023
Les morts vivants
#marchandisation #corps
Article mis en ligne le 19 février 2023
dernière modification le 18 février 2023

La directrice d’un salon funéraire revendait en douce des corps ou des parties de ceux-ci. Megan Hess, 49 ans, vient d’être jugée. Les faits qui la condamnent se sont déroulés sur près de deux décennies aux États-Unis, plus précisément au Colorado, à Montrose (...)

Il faut préciser, pour comprendre l’histoire, que Megan Hess n’était pas seulement directrice d’un salon funéraire. Elle portait aussi le chapeau, peu commun il est vrai, de courtière en cadavres. Aux États-Unis, à des fins médicales ou scolaires, des cadavres ou des portions de ceux-ci peuvent être cédés par de tels courtiers contre rétribution. Ces courtiers insistent pour dire qu’ils ne vendent rien. Ils facturent seulement leurs services, affirment-ils. L’idée qu’un corps puisse être une marchandise comme une autre se trouve de la sorte neutralisée, par un simple effet de communication. (...)

Ceux revendus par Megan Hess étaient non seulement volés aux familles, mais ils étaient parfois infectés par l’hépatite B et C, voire par le VIH.

Dans cette affaire morbide, Megan Hess était de mèche avec sa mère. Elle aussi a été condamnée. Pour parvenir à leurs fins, les deux femmes affirmaient aux familles éplorées que les restes de leur proche étaient dûment incinérés. Les familles se voyaient remettre des cendres. En vérité, les cadavres étaient mutilés avant d’être incinérés, quand ils n’étaient pas tout bonnement cédés en entier. Des cendres tirées d’on ne sait où servaient d’alibi commode. (...)

Depuis des siècles, les cadavres humains font l’objet de commerces douteux et honteux. Au point que les récits noirs de ces épouvantes, difficiles à soutenir, ont été transfigurés sous forme de contes fantastiques. (...)

Les cadavres soumis aux bistouris étaient presque toujours ceux de laissés-pour-compte, de sans-famille, de condamnés devenus raides au bout de leur corde, après que la justice les eut fait exécuter puis enterrés à la va-vite, à ras de terre. Toute la nébuleuse de la pauvreté était surreprésentée dans les cadavres dévorés par la médecine. Il faudrait être naïf pour croire que les traces de ce commerce de la mort ne s’avancent pas de diverses façons jusque dans notre présent. (...)

Les cellules d’Henrietta Lacks, connues sous le nom de HeLa, ont été utilisées à répétition dans toutes sortes de domaines médicaux. Elles ont servi par exemple pour développer le vaccin antipoliomyélitique, tout comme la fécondation in vitro, de même que le clonage. De grandes entreprises ont réalisé des millions de bénéfices sur la base de la culture de ces cellules.

Pourtant, cette exploitation des cellules d’une femme morte d’origine modeste ne lui a jamais rapporté le moindre sou, pas plus qu’à sa descendance. (...)

Nous continuons par ailleurs de voir au quotidien, sans trop broncher, des publicités nous inviter, contre une maigre compensation financière, à offrir nos corps pour éprouver de nouveaux produits pharmaceutiques. (...) En ces lieux circulent plus qu’ailleurs le chômeur, le désoeuvré, l’étudiant, la mère de famille monoparentale. Chose certaine, ce sont bien les corps de malheureux, morts ou vivants, qui constituent encore une vraie mine d’or. (...)

Lire aussi :

 (Le Matin.ch)

États-UnisTrafic massif de morceaux de cadavres lourdement condamné

(...) Aux États-Unis, il est illégal de vendre des organes comme le cœur ou les reins pour des greffes : ils doivent être donnés. Par contre la vente de parties du corps comme la tête, les bras ou la colonne vertébrale à des fins de recherche ou d’éducation est légale. (...)