
Elle est la face cachée de la planète éducative, invisible dans les discours officiels, qui lui préfèrent l’apprentissage. La voie professionnelle scolaire instruit pourtant un tiers des lycéens et les trois quarts des jeunes qui s’orientent vers des métiers d’ouvrier ou d’employé. Jadis instrument d’émancipation, cette « école du peuple », promise à une « rénovation », souffre d’une double relégation : scolaire et sociale.
En septembre 2017, le Mouvement des entreprises de France (Medef) lançait une campagne destinée à faire connaître ses propositions pour améliorer le système éducatif en mettant dans la bouche des jeunes cette accusation : « Si l’école faisait son travail, j’aurais du travail. » La charge contre l’éducation nationale était si violente que même l’ancienne « patronne des patrons » Laurence Parisot ne vit là que « morgue, mépris, bêtise, ignorance » (Twitter, 21 septembre). Le ministre de l’éducation Jean-Michel Blanquer ne put qu’exiger le retrait immédiat du slogan — ce qui fut fait. Le Medef présenta des demi-excuses. Selon lui, l’opération ne visait « évidemment pas les professeurs, mais un système qui produit du chômage ». Voire...
Certes, en France, les actifs ayant un diplôme de niveau bac + 2 minimum sont deux fois moins au chômage que ceux qui ont le niveau du baccalauréat, et trois fois moins que les non-diplomés. Mais cela ne signifie en rien que la formation professionnelle, initiale ou continue, peut à elle seule suppléer au manque d’activité économique ou de partage du travail. À court terme, elle ne peut qu’agir à la marge, sur les dizaines de milliers d’offres non pourvues de ce fait chaque année, un chiffre bien maigre au regard des 3,5 millions de chômeurs sans aucune activité. (...)