
Comment ne pas être transporté par les images en provenance du Caire ? Comment ne pas partager la joie de ces millions d’Egyptiens de toutes catégories sociales et de toutes croyances qui ont abattu en dix-huit jours, à mains nues, un dictateur qui semblait inamovible, si sûr de lui qu’il se préparait même à une succession dynastique ?
Comment, aussi, ne pas être impressionné par cette deuxième révolution pacifique en l’espace d’un mois, renversant des présidents au pouvoir depuis trois décennies, autoritaires et corrompus, protégés et cajolés par les puissances occidentales pour leur rôle de rempart contre l’islamisme radical ?
La Tunisie avait pris tout le monde par surprise, mais les experts avaient mis en garde contre la théorie des dominos en soulignant que ce pays ne pesait pas lourd géopolitiquement, que l’Egypte c’était autre chose… Rien n’y a fait, les mêmes causes ont produit les mêmes effets, et le plus grand pays arabe, celui qui a toujours donné le « la », a basculé plus vite encore que la petite Tunisie.
Ces révolutions ne ressemblent à aucune autre. Pas de leader charismatique, pas d’organisation secrète, pas d’armée clandestine…
(...) En Tunisie comme en Egypte, la difficile transition est lancée. Dans un cas comme dans l’autre, les manifestants ne veulent pas voir survivre des pans entiers du régime du dictateur sans le dictateur. Et ils ne veulent pas voir « leur » révolution confisquée par ceux qui ont les moyens de la leur voler : l’armée ou les islamistes, les seuls à être structurés et relativement cohérents en l’absence de grande force d’opposition démocratique.
Mais la première, vraie question brûlante est : à qui le tour ? C’est celle que se posent les peuples arabes, c’est celle que se posent les autocrates qui les gouvernent.une soif de liberté d’une jeunesse ouverte sur le monde, un rejet du népotisme, de la corruption, de la censure, de l’abêtissement érigés en système.
Et des pouvoirs tétanisés, qui se croyaient à l’abri en raison de la peur des « barbus » au couteau entre les dents, et découvrent que ceux-ci ne font plus aussi peur.(...) Reste enfin l’impact géopolitique, immense, de cet événement. Qui prend l’Occident par surprise, tétanise Israël qui redoute rien de moins que la rupture du statu quo qui pourrait favoriser ses ennemis, fait trembler toutes les dictatures, tous les pays autoritaires, quelles que soient leur latitude et leur culture, au-delà du monde arabe et de l’islam.
(...)