
« Nous n’acceptons pas que les plus précaires soient encore une fois la variable d’ajustement d’une économie déconnectée », s’insurge la Confédération paysanne dans un communiqué.
De 333 euros par tonne de lait payée aux éleveurs début 2020, à 326 euros en avril puis 315 euros en mai et juin… Les producteurs laitiers craignent que cette inexorable chute des prix soit dramatique pour leur activité. Meurtris par la crise laitière de 2015, les éleveurs commençaient tout juste à profiter de perspectives plus réjouissantes depuis l’entrée en vigueur de la loi Alimentation (Egalim) en février 2019. Douche froide pour les paysans qui apprennent que dès le début de la crise, les grands industriels diminuent drastiquement le prix payé par litre de lait afin d’anticiper une baisse du pouvoir d’achat. Pour Dominique Morin, éleveur de vaches laitières chez Lactalis et porte-parole de la confédération paysanne de la Mayenne, « l’avenir de la filière est incertain ». (...)
Lorsque le prix du lait baisse, les agriculteurs ont deux choix : limiter les investissements déjà modestes destinés à leurs moyens de production ou bien renoncer à une partie de leur revenu disponible (...)
La logique commerciale des grands industriels est de vendre leur produit dans un premier temps, en priorisant leurs profits, et avec ce qu’il reste, ils payent les éleveurs. Le problème aujourd’hui, c’est qu’avec ce qu’il reste, il est extrêmement compliqué pour un éleveur d’investir et de s’équiper correctement pour quinze ou vingt ans. Et notre filière ne dépend presque plus que de ces grandes multinationales. (...)
Pour beaucoup, la seule manière de maintenir une activité est de produire de plus en plus et les conditions d’élevage ne peuvent qu’en être dégradées. Les grandes entreprises du secteur laitier sont des prédateurs de valeurs. Leur attitude provoquera la disparition des paysans à long terme. (...)
Les industriels sont coupables mais le gouvernement est responsable. Les pouvoirs publics ont libéralisé le marché européen en supprimant des outils de régulation essentiels. Depuis l’abolition des quotas en 2015, les éleveurs européens ont le droit de produire autant de lait qu’ils le souhaitent, ouvrant ainsi le marché à la concurrence. Et si l’Europe a un rôle à jouer, que fait le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation en France ? Car désormais, ces prix dépendront des cours internationaux. Ce qu’il nous faut aujourd’hui, c’est une politique agricole européenne, des outils de régulation puissants et des ministres courageux. Sans cela, je ne vois pas d’avenir possible dans la production laitière, autrement qu’en exploitant les éleveurs.