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Les Echos
Les données ne sont pas le pétrole du XXIe siècle
Olivier Babeau / Porte-parole de la Fondation Concorde, président de l’Institut Sapiens
Article mis en ligne le 8 janvier 2018

D’aucuns sont tentés de comparer les data au pétrole du XXIe siècle, ils découvrent même des « gisements », mais comparaison n’est pas raison.

Le XXe siècle fut dominé par la question pétrolière. L’ « or noir » en a été un enjeu économique, géostratégique et politique majeur, de la crise de 1973 à la fortune des Rockefeller , des tensions militaires jusqu’aux innovations ayant, comme le plastique et tant d’autres objets du quotidien, changé nos vies !

Cet « Age des extrêmes » s’est paradoxalement achevé sur le déclin de la précieuse ressource énergétique : la prise de conscience de l’épuisement des énergies non renouvelables a mis au premier plan la survie de notre planète et la recherche de solutions alternatives (...)

à l’inverse du pétrole, la data n’est pas une ressource non renouvelable. Au contraire, elle ne s’épuise pas et croît même à une vitesse extraordinaire : plus de 90 % des données disponibles auraient été produites dans les deux dernières années !

Dans un ouvrage sur les algorithmes, Dominique Cardon rappelait que le monde génère en deux jours autant de données de communication qu’il en a créées entre son origine et l’année 2003 ! En 2015, 204 milliards d’e-mails étaient envoyés ou reçus chaque jour, engendrant autant de flux et d’échanges d’informations ! (...)

Cette croissance phénoménale s’explique par la facilité qu’il y a à produire de la donnée : chaque instrument numérique en crée, comme chaque site ou chaque objet connecté. La data se démultiplie.

Elle se partage aisément (...)

La data est inépuisable

C’est donc un retournement conceptuel qui doit être opéré pour analyser cette ressource perpétuellement renouvelable. L’âge du pétrole a induit un écosystème d’opérateurs gigantesques, seuls à même d’investir massivement dans un appareil industriel coûteux, capable d’assurer l’exploitation rentable de cette ressource finie. Ce secteur était nécessairement concentré, les économies d’échelle renforçant son caractère oligopolistique.

La data, à l’inverse, est inépuisable et abondante à profusion. Elle peut être partagée et elle s’exploite sans coût fixe important.

Les dynamiques économiques qui en résultent sont donc fondamentalement divergentes. Là où le XXe siècle a vu émerger une industrie lourde avec des barrières à l’entrée élevées, le XXIe entame son cycle de vie avec une économie fluide, rapide et dynamique. Confondre l’une et l’autre de ces ressources, c’est s’interdire de les penser vraiment, de les réguler correctement, de les développer ambitieusement.

Mal identifier la richesse de demain, c’est aussi nous appauvrir.

L’enjeu est énorme (...)

Mal nommer les opportunités de notre société, c’est enfin inquiéter inutilement les consommateurs, en introduisant un biais cognitif négatif qui assimile implicitement les données numériques à la pollution, l’exploitation et le risque sociétal.
(...)

il nous appartient de nous saisir de l’opportunité formidable que constitue l’économie des données numériques, ressources infinies et dématérialisées ! Manquer cela, faute de capacité d’innovation ou en nous barricadant derrière de vaines lignes Maginot, serait suicidaire pour notre pays comme pour nos intérêts.