
À quelques pas de la porte d’Aubervilliers, enclavé entre le périphérique et les immeubles flambants neufs de la ZAC Claude Bernard, résident environ 160 personnes originaires d’Europe de l’Est. Hommes, femmes et enfants, qui ont investi les lieux voilà un an et demi, vivent leurs dernières heures dans ce quartier nord du 19e arrondissement de Paris. Car depuis le 14 juillet, le plus grand campement de Roms de la capitale est susceptible d’être évacué à tout moment.
Accoudés sur une vieille voiture bordeaux garée au milieu de la rue Emile Bollaert, quatre hommes surveillent les alentours pendant que d’autres nettoient les trottoirs à grands coups de balai. Derrière eux, des femmes en robes longues regardent les enfants qui courent pieds nus autour des caravanes. Visible depuis le périphérique, le plus grand campement de Roms de la capitale ne ressemble qu’à un amat de draps, matelas, palettes de bois et autres aménagements de fortune. Il accueille pourtant près de 160 personnes, hommes, femmes et enfants, répartis dans une quarantaine de baraques. Dans quelques jours, tous seront forcés de quitter les lieux et de trouver un autre terrain.
L’expulsion à venir est le fruit d’une décision rendue par le tribunal d’instance de Paris le 13 janvier dernier, à la demande de la mairie de Paris. Les raisons invoquées ? L’illégalité de l’implantation d’abord, le terrain appartenant à la municipalité, mais aussi les conditions de vie déplorables des habitants du camp et les dangers que peut représenter leur installation électrique précaire. Depuis le 14 juillet, l’évacuation peut survenir à tout moment. Pour la police, il y a « urgence », d’autant plus que le quartier est en pleine mutation. (...)
L’évacuation sera rapide. Une centaine de policiers feront leur entrée dans le camp au petit matin et tout le monde devra partir. Les baraques seront détruites dans la foulée, à l’aide de grues. Aucune arrestation ne devrait avoir lieu, les policiers agissant dans le cadre d’une procédure civile. Des propositions de relogement devraient être faites aux familles avec de jeunes enfants et les volontaires pourront prétendre à une aide au retour proposée par l’OFFI (Office Français de l’Immigration et de l’Intégration). Un soutien financier dont le montant s’élève à 300 euros par adulte et 100 euros par enfant. « Les choses seront faites correctement, dans le respect des personnes et un dispositif d’accompagnement sera mis en place, comme toujours, affirme François Dagnaud, avant d’insister sur le fait que les médias ne seront pas les bienvenus. Un communiqué sera envoyé pour expliquer le déroulement de l’opération », ajoute-til.
Au commissariat, on assure que des moyens seront mis en place pour que ces populations ne reviennent pas dans l’arrondissement. Dès le mois de septembre, le terrain jusqu’à présent occupé par les Roms sera d’ailleurs transformé en mur végétal, destiné à faire barrière entre le périphérique et le nouvel éco-quartier de la ZAC Claude Bernard. En attendant, des baraquements de chantier occuperont l’espace. « Et où on va dormir, s’agace le chef du camp, il va pleuvoir, il y a des enfants ici, qu’est-ce que je fais, j’attends avec mes valises et les enfants sous la pluie ? » « Ils iront certainement dans le 93 », concède-t-on du côté des policiers. Autrement dit, le « problème » sera déplacé mais il ne relèvera plus de la ville de Paris.