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« Les collapsologues sont dans un rapport de convergence avec le pouvoir »
Article mis en ligne le 7 septembre 2020
dernière modification le 6 septembre 2020

Dans leur nouvel essai, Le pire n’est pas certain. Essai sur l’aveuglement catastrophiste (Premier Parallèle, 2020), en librairie le 10 septembre, Catherine et Raphaël Larrère critiquent l’approche et la pensée des collapsologues qui, selon eux, freinent l’action écologique locale plus qu’ils ne l’encouragent.

Et si les collapsologues étaient les meilleurs alliés des néolibéraux ? Et si, à force de dénoncer l’État et les institutions pour encenser l’entraide citoyenne et les biorégions, les effondristes étaient devenus les idiots utiles du business as usual ? À l’heure où les collapsologues bénéficient d’une importante couverture médiatique (et où leurs ouvrages se vendent comme des petits pains), la thèse développée par Catherine et Raphaël Larrère dans leur dernier livre, Le pire n’est pas certain. Essai sur l’aveuglement catastrophiste (Premier Parallèle, 2020) risque de ne pas leur attirer que des louanges. La philosophe de l’environnement et l’ingénieur agronome et sociologue ne sont pourtant pas dans la posture, ni dans la dénonciation facile d’un succès public, mais plutôt dans un rôle inattendu de lanceurs d’alerte : pour remettre l’écologie politique sur le chemin de l’action, il est grand temps, nous disent-ils, de se détourner des effondristes velléitaires et de remettre les mains dans la terre. (...)

Raphaël Larrère : Ce qui nous choque, c’est le constat d’impuissance sur lequel repose le catastrophisme actuel. Les gouvernements ne font rien, les mobilisations politiques sont inefficaces, nous serions pris dans une nécessité qui nous conduirait à l’effondrement. Si l’effondrement est un processus naturel, il adviendra inéluctablement et ce n’est pas la peine de nous mobiliser pour changer le monde. Il n’y a plus rien d’autre à faire qu’à se préparer au pire, en aménageant sa vie. Les collapsologues prétendent s’opposer de manière radicale au business as usual, mais sont en réalité dans un rapport de convenance et de convergence avec le pouvoir. Si l’effondrement est certain, la façon la plus rationnelle d’agir, économiquement, c’est le business as usual. Les luttes et expériences collectives pour changer la vie étant à leurs yeux impuissantes, nous sommes renvoyés aux réactions privées, quand bien même seraient-elles solidaires. (...)

. Le Covid-19 ne donne-t-il pas raison aux collapsologues ?

Catherine Larrère : Au contraire, il les désavoue ! L’État a tenu. Les institutions locales ont tenu, même au Brésil ou aux États-Unis. Les « premiers de corvée » ne sont pas partis dans leur maison de campagne, ils ont continué à travailler. Les institutions et les collectifs se sont montrés plus résilients qu’on ne l’avait annoncé. Si la circulation des personnes a été interrompue, celle des marchandises s’est maintenue et, contrairement aux prévisions un peu simplistes d’Yves Cochet, les supermarchés furent toujours approvisionnés. (...)

Cessons de penser pouvoir tout anticiper : Edgar Morin le rappelait bien dans une interview au Monde : plus un système est complexe, plus il est imprévisible. (...)

« Les effondristes sont mus par une fascination pour l’effondrement global, mais les catastrophes particulières ne les intéressent pas » (...)

Dans votre livre, vous posez la question suivante : « Le local se suffit-il à lui-même ? », et vous y répondez par la négative. Pourquoi l’autonomie ciblée, l’entraide et les biorégions vous paraissent-elles des solutions vaines, ou tout du moins très incomplètes ?

Raphaël Larrère : Parce que ce sont des réactions privées et dépolitisées. (...)

Tous ces ensembles, ces institutions, méprisées par les effondristes, sont pourtant indispensables… Pour ceux qui entendent se mobiliser pour sortir du système mortifère qui domine les humains et détruit la nature, les États, parce qu’ils profitent de ce système et le défendent, sont des ennemis, mais nous avons aussi besoin d’État. (...)

De façon générale, les collapsologues sous-estiment l’État. Avant l’effondrement, ils ne prennent pas en compte à quel point les États et le système économique en place auquel ils sont liés peuvent s’opposer violemment à toute tentative de se soustraire à ce système (ce qui est le cas quand l’entraide n’est plus seulement un arrangement privé). Après l’effondrement, ils font comme si de petites unités pouvaient subsister sans organisations plus centralisées. Et pendant l’effondrement : l’État s’effondre de lui-même, il n’y a pas besoin de révolution. (...)

« Il n’y aura pas de catastrophe globale, mais des catastrophes différentes auxquelles il faudra faire face » (...)