
(...) L’attaque du nouveau président des États-Unis, Donald Trump, contre les sciences, en particulier celles du climat, a suscité des réactions et une mobilisation inédites dans la communauté scientifique internationale. « Une hostilité idéologique à l’égard des sciences s’exprime désormais dans la doctrine officielle de la Maison-Blanche », s’inquiétaient en France les signataires de la tribune appelant à la Marche, publiée le 15 février dernier.
(...) Dès l’élection du président états-unien, les scientifiques américains se sont mobilisés, notamment pour sauver les données menacées, comment vous l’avait raconté Reporterre. Un mouvement spontané, coordonné et propagé grâce aux réseaux sociaux, d’où est née l’idée d’une marche pour les sciences qui aurait lieu le jour de la Terre, le 22 avril. « J’ai vu la mobilisation émerger sur Twitter, et avec d’autres connaissances, on s’est dit qu’on allait le faire aussi en France. Parce que Donald Trump nous inquiète. Mais aussi parce que l’on a pensé qu’on pouvait aussi mobiliser ici », raconte Emmanuelle Perez-Tisserant, maîtresse de conférence en histoire à l’université de Toulouse-II et initiatrice en France de la Marche.
« Les politiques ne savent pas comment fonctionne la recherche »
Parmi les motivations, elle cite « le fait que les mesures contre la science du climat ont une portée globale et qu’en France, on s’était déjà bien mobilisé pour la COP21 ; que beaucoup de chercheurs ont des liens avec les États-Unis ; et le constat qu’en France la recherche manque de financements et que le gouvernement la considère comme marginale ».
Une observation largement partagée dans la communauté scientifique française, puisque la marche a rassemblé bien au-delà des espérances des organisateurs. (...)
« Le capitalisme veut rentabiliser toutes les connaissances »
« La science est de moins en moins utilisée pour les décisions de politiques publiques », enchérit Barbara Demeneix, professeure au Muséum national d’histoire naturelle et spécialiste des perturbateurs endocriniens. Son domaine, qui touche aux intérêts des plus grosses firmes chimiques dans le monde — les perturbateurs endocriniens sont présents dans les plastiques comme dans les pesticides — est particulièrement exposé. Elle dénonce le système de « fabrique du doute » mis en place par les industriels, qui payent des scientifiques chargés de contester la dangerosité de certains produits. « Pour chaque résultat, il y a toujours un petit élément d’erreur ou de doute. Cela fait partie de la démarche scientifique. Et c’est exploité par les gens de l’industrie pour dire que ce n’est pas absolument prouvé, donc qu’il ne faut pas réglementer, se désespère-t-elle. En définitive, on minimise la contribution des scientifiques au profit des arguments économiques. »
Cette perte de crédibilité de la science va de pair avec une seconde inquiétude : la baisse des budgets attribués à la recherche et à l’enseignement supérieur, dénoncés par tous les scientifiques interrogés par Reporterre. (...)
désormais, l’essentiel des financements se fait sur des projets de court terme. Tous les trois à cinq ans, on doit refaire un dossier. Or, j’étudie la biodiversité des forêts. Il faut de l’accumulation de données sur des périodes très longues. Dans une forêt, les changements ne s’observent pas sur une période de trois ans ! » (...)
Avec la Marche pour les sciences, l’ensemble de la communauté scientifique interpelle citoyens et politiques, tant pour défendre de bonnes conditions de production de la connaissance que pour renforcer les liens entre science et société. Tous les citoyens sont d’ailleurs appelés à marcher à côté des défenseurs de la science. Car les conditions dans lesquelles on produit la connaissance sont une question éminemment politique. Comment les impôts, ressource publique et citoyenne, doivent financer la science ? Comment doit-elle participer à la décision politique ? (...)
