
Les agriculteurs tirent peu de revenus directement de leur activité agricole. L’élevage est le secteur le plus fragile, alors que l’exploitation céréalière et la viticulture se portent mieux, révèle l’Insee. Une précarité en partie comblée par le salaire du conjoint issu d’autres activités et du patrimoine
Difficile de joindre les deux bouts quand on est agriculteur. Cette activité ne leur suffit pas pour vivre : elle ne représente qu’un tiers de leurs ressources annuelles (17 700 euros net en moyenne, sur un total de 52 400 euros). Résultat : près de 18 % d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté [1], contre 13 % pour des ménages exerçant une autre profession. C’est ce que révèle un rapport de l’Insee publié le 11 octobre, dévoilant des niveaux de vie très inégaux entre les foyers agricoles.
Les conséquences de cette exposition à la pauvreté sont multiples : il leur est notamment nécessaire de percevoir d’autres revenus. 1 agriculteur sur 5 exerce ainsi deux professions à la fois. Le salaire du conjoint, lui, correspond à leur deuxième source de revenus la plus importante. Et dans 7 cas sur 10, le conjoint travaille dans un tout autre domaine que celui de l’agriculture. « Le plus souvent, la femme du couple se réoriente vers une activité annexe pour arriver à tirer un revenu plus fixe, précise Nicolas Girod, producteur de lait à comté dans le Jura et porte-parole de la Confédération paysanne. C’est particulièrement vrai pour les éleveurs de viande bovine. Cela augmente toutefois considérablement la charge de travail pour le conjoint qui reste dans l’agriculture. » Le patrimoine, qui représente leur troisième source de revenus la plus importante (à hauteur de 20 %), provient davantage du patrimoine professionnel, comme la location de terres, que d’actifs financiers et immobiliers.
Des revenus inégaux selon le type de production
Pour enfoncer le clou, les revenus des foyers agricoles sont également très inégaux en fonction des types de production, notamment l’élevage. Parmi les activités agricoles qui rapportent le moins, l’on retrouve l’élevage bovin pour la viande (...)
Pour les ménages agricoles orientés dans la production végétale, les revenus dégagés par l’agriculture sont plus élevés. Les grandes cultures spécialisées en céréaliculture, en plantes oléagineuses (colza, tournesol, soja) et protéagineuses (lentilles, pois), et la viticulture sont les plus rémunératrices (...)
Seuls le maraîchage et l’horticulture dérogent à cette constante. Si ces agriculteurs gagnent le mieux — leurs ressources globales sont 30 % supérieures au revenu disponible moyen de l’ensemble des ménages agricoles —, les revenus directement tirés du maraîchage ou de l’horticulture sont parmi les plus faibles (...)
Une géographie inégale
D’autres inégalités pèsent sur les revenus des agriculteurs : celle des zones géographiques. Dans le massif jurassien, la fabrication de fromages d’appellation d’origine protégée (AOP) est ainsi plus rémunératrice qu’en Normandie, où le lait est utilisé pour l’industrie agroalimentaire. Malgré ces meilleures rémunérations, « il y a une partie du monde paysan qui se réoriente de l’élevage à lait vers la viande à cause du temps de travail, de l’astreinte ou de la difficulté à trouver des repreneurs, précise Nicolas Girod. D’autre part, le secteur laitier a perdu de son attrait économique depuis un ou deux ans. Le prix du lait est à peine plus élevé que la viande, mais pas à un niveau rémunérateur ».
Les difficultés sont multiples pour le monde agricole. De quoi expliquer le vieillissement de cette population ? Selon l’étude de l’Insee, les trois quarts sont des hommes et plus de la moitié ont 50 ans et plus. (...)
Reste que les modèles agricoles des jeunes agriculteurs ne sont pas toujours en accord avec la philosophie de la PAC, qui subventionne les grosses exploitations. « On sent un intérêt des populations plus jeunes, mais sur des orientations agricoles basées sur la reconnexion au vivant, ou le climat par exemple. Ce sont des paysans boulangers, ou des maraîchers qui ont peu de terres », conclut Nicolas Girod.