
Une association du nord-est de Paris combine lutte contre le gaspillage alimentaire et solidarité avec les plus démunis. Une démarche qui œuvre pour la justice environnementale, au plus près de ceux qui en ont besoin.
Alain Gésiot remplit à bout de bras deux grosses glacières, à quelques mètres de l’espace livraison d’un supermarché du 4ème arrondissement de Paris. Poisson, laitages, œufs, café, salades sous vide : le Francilien emmitouflé dans un gros pull en laine empile les denrées mécaniquement, en pestant contre le manque de variété des produits glanés. (...)
Alain Gésiot embarque en fait des invendus alimentaires, cédés gracieusement par une poignée de supermarchés, pour les revendre, cinq fois moins cher que leur prix initial, à des familles dans le besoin. « Les grandes surfaces donnent pour deux raisons : parce qu’elles bénéficient de défiscalisations et parce que ça améliore leur image », analyse le bénévole à petites lunettes rectangulaires.
Ces enseignes sont obligées d’offrir leurs invendus alimentaires à des associations depuis le vote d’une loi anti gaspillage en février 2016. En cas de destruction volontaire des produits, les mastodontes du secteur s’exposent à une amende de 3 750 euros. Une mesure prévue pour lutter contre les 12 à 20 milliards d’euros de denrées gaspillées chaque année en France. (...)
Le Jardin d’Alcinoos a ouvert cette supérette de quartier en novembre 2016 pour y accueillir des familles dans le besoin. Phénix et Eqosphere, deux entreprises spécialisées dans la lutte contre le gaspillage, s’occupent de mettre en relation l’association et les grandes surfaces, gèrent les plannings de collecte, et s’assurent de la pérennité des dons.
Une première cliente débarque, sac en papier kraft à la main, alors que les bénévoles déballent encore les produits sauvés de la benne. L’épicerie se donne le temps de mettre en valeur les produits, même s’ils ont été boudés par d’autres consommateurs quelques heures auparavant. (...)
Pas question d’empiler les produits à la va-vite pour les refourguer juste après. L’association promeut des paniers variés et équilibrés. « Nos produits sont raffinés, de bonne qualité, ajoute Saadia, une autre bénévole. Personnellement, ça me fait énormément plaisir que nos bénéficiaires se sentent comme tout le monde. Qu’ils puissent avoir pour leurs enfants des goûters identiques à ceux qui ont un salaire, qui travaillent. Et là il n’y a pas de discrimination. » (...)
Quelques dizaines de familles avec enfants bénéficient en priorité de la supérette de récupération. (...)
« La vie c’est comme une sorte d’horloge, parfois on est en haut, et parfois on touche le fond et personne n’est à l’abri. Donc on se met à la place des gens et on essaye de les servir avec dignité, et avec le sourire, pour qu’ils partent contents ».