
La mort du bétail et l’extrême pauvreté provoquées par la hausse des températures encouragent de nombreuses familles à avoir recours aux mutilations génitales sur leurs filles.
Quel lien entre les catastrophes climatiques et les mutilations génitales que certains pays ne parviennent toujours pas à interdire ? Au premier abord, pas grand-chose. Et pourtant tous les pays déjà touchés par le réchauffement climatique qui ont l’habitude de l’excision, la clitoridectomie ou encore l’infibulation, ont vu ces pratiques augmenter drastiquement en quelques années. Dans ces zones, les MGF (mutilations génitales féminines) sont en hausse de presque 30%, selon les Nations Unies et de nombreuses ONG spécialisées, telles que Vision du Monde ou encore GAMS (...)
Les MGF caractérisent toutes les interventions incluant l’ablation partielle ou totale des organes génitaux externes de la femme, ou toute autre lésion des organes génitaux féminins. Ces pratiques peuvent provoquer de nombreuses complications médicales. Saignements excessifs, douleurs pendant les rapports sexuels, infertilité, traumatismes psychologiques, la liste est longue. À ce jour au moins 200 millions de jeunes filles et de femmes dans le monde ont subi une mutilation de ce type.
Ces pratiques ancestrales et dévastatrice pour les femmes sont toujours d’actualité dans 30 pays d’Afrique et du Moyen-Orient et dans certains pays d’Asie et d’Amérique latine. Elles sont également le quotidien d’une partie des populations immigrées en Europe occidentale, en Amérique du Nord, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Illégales en Europe, environ 600 000 femmes, dont 53 000 femmes résidant en France, ont été victimes de ces opérations.
La grande sècheresse qui touche en ce moment la Corne de l’Afrique menace l’équilibre économique des communautés villageoises. La perte du bétail et la désertification des cultures viennent mettre à mal la sécurité alimentaire déjà fragile des populations. Au bord du gouffre, certains parents voient le mariage de leurs filles comme une solution à leurs problèmes et les mutilations génitales garantissent de trouver un mari rapidement avec en prime une belle somme. (...)
Bien entendu, cette hausse ne peut pas uniquement s’expliquer par le réchauffement climatique. Elle est multifactorielle. En plus des problèmes climatiques qui s’abattent sur ces zones, la pauvreté des populations a été accentuée par le Covid. « Tout le travail de prévention qui a été fait depuis des années a été mis à l’arrêt et la hausse des température s’est ajoutée au problème », affirme l’ONG Vision du Monde. (...)
Il reste alors l’éducation, l’un des moyens les plus sûrs de lutter contre l’excision. Statistiquement, plus la scolarisation des femmes augmente, plus le taux d’excision diminue en même temps que l’âge du mariage qui rallonge. Mais avec la fermeture des classes, un grand nombre de jeunes n’ont jamais repris le chemin de l’école. De peur que leurs filles aient des relations sexuelles en dehors des cadres du mariage, les familles font le choix de les exciser pour « préserver leur honneur ».
Selon les ONG, le réchauffement climatique est la goutte d’eau qui fait aujourd’hui déborder le vase. (...)
La malnutrition et la famine font déjà partie des conséquences directes du dérèglement climatique. En ce moment, l’Afrique de l’Est, vit par exemple une crise alimentaire sans précédent depuis plusieurs mois. « Les parents ne peuvent même plus faire travailler leurs enfants puisqu’il n’y a plus rien à faire quand le bétail meurt. Au Kenya, on voit des cheptels entiers décimés, il n’y a rien à manger. L’ultime recours c’est le mariage », déclare Vision du Monde.
Mais marier sa fille tôt pour ne plus avoir une bouche à nourrir ne suffit pas, il faut également gonfler le prix de la dot pour que cette union soit rentable. « Soyons clairs, la dote augmente quand il y a une excision ou autres. C’est une demande régulière des belles-familles », précise la sociologue Isabelle Gillette-Faye. Des primes supplémentaires s’ajoutent au fur et à mesure selon les conditions physiques de la fille, notamment le cas de son hymen. Virginité souvent préservée “grâce” aux mutilations sexuelles. « C’est négocié en amont, la dote de ma fille est importante parce qu’elle est excisée et donc vierge. » (...)
« Il reste de l’espoir pour faire en sorte que ces familles qui subissent les fracas du monde ne retombent pas dans ce genre de traditions. Nous ne sommes pas totalement impuissants, on a la capacité à faire des choses », détaille Camille Romain des Boscs, directrice de Vision du Monde. Très active au Kenya, son ONG travaille en ce moment sur l’aspect économique du métier d’exciseuse pour que ces femmes se tournent vers une autre activité tout en gardant le statut social si particulier qu’elles possèdent. Tout cela dans l’espoir qu’un jour le rasoir ne servira plus qu’à tailler des barbes.