
Du 9 au 20 décembre devait se tenir à la cour d’assises d’Evry le procès en appel de l’affaire Clément Méric, jeune militant antifasciste mort le 5 juin 2013 après avoir été frappé en pleine rue par des skinheads d’extrême-droite.
Après deux jours d’audience, la Cour d’assises d’Evry a décidé mercredi 11 décembre de suivre les nombreuses demandes de renvoi de la défense, un effet collatéral du mouvement de grève contre la réforme des retraites. « Plusieurs témoins essentiels ont indiqué qu’ils ne pourraient pas faire le déplacement à cause des grèves qui perturbent les transports », a expliqué le tribunal d’Evry. La famille Méric ainsi que les autres parties civiles, qui avaient fait le nécessaire pour assurer leur présence à Evry pour toute la durée du procès, se retrouvent à espérer une nouvelle date, en 2020, pour enfin obtenir le jugement attendu depuis la mort de Clément Méric, le 5 juin 2013.
Lors de l’ouverture du procès en appel, deux jours plus tôt, le principal accusé brille par son absence. Esteban Morillo, qui avait été condamné en première instance à 11 ans de réclusion criminelle pour violences et coups mortels, avant de faire appel, n’est pas présent. Depuis sa sortie de prison en 2018, il est placé sous contrôle judiciaire dans l’Aisne, où il réside. Le procès ne pouvant avoir lieu sans la présence des accusés, le président du tribunal, Thierry Fusian, reporte donc son ouverture au lendemain. Peine perdue : Esteban Morillo n’est toujours pas là. Les avocats de la défense demandent un renvoi du procès, expliquant que l’accusé n’a pas la capacité matérielle de se déplacer jusqu’à Evry à cause de la grève des transports et de son manque d’argent.
Un accusé amené de force
Esteban Morillo « prend la cour d’assises en otage et joue le maître des horloges », s’énerve l’Avocat général Philippe Courroye. « La grève, elle a bon dos ! Peut-être que dans le monde politique rêvé de M. Morillo il n’y a pas de grève, mais ici il y en a et celle-ci était annoncée. Son absence est une honte. » Le président, qui avait demandé au préalable aux parties de prendre leurs dispositions pour être présentes au procès, ordonne un mandat d’amener. A 15h, les gendarmes ramènent de force M. Morillo depuis l’Aisne jusqu’à la cour. (...)
le procès, déjà bousculé par le retard, réserve encore d’autres surprises. Une trentaine de témoins et une dizaine d’experts doivent, pendant les deux semaines d’audience, être entendus à la barre, en plus des accusés et des parties civiles. Mais la cour apprend qu’un témoin vit maintenant en Australie, que l’ancienne petite amie de M. Morillo, elle aussi témoin, est introuvable au Portugal, qu’un témoin oculaire est toujours recherché par la police. Quant à Serge Ayoub, animateur du groupuscule néo-fasciste Troisième voie, dont Morillo était membre, il n’a tout simplement pas répondu aux sollicitations du tribunal.
Du côté des experts, certains sont en congés, d’autres en séminaire et plusieurs répondent ne pas pouvoir venir à cause de la grève des transports. Dès le mercredi 11 octobre, des témoins doivent être entendus à la barre : le médecin légiste, deux policiers, ainsi qu’un vendeur du magasin où étaient présents les protagonistes avant que les coups mortels ne soient portés ensuite, dans la rue. Nouvel obstacle, ce témoin ne peut se rendre au tribunal à cause de la grève. En début d’après-midi, la cour constate que trop de témoins clés manquent à l’appel et décide finalement de renvoyer le procès.
Déjà six ans d’attente (...)
L’engagement politique des accusés ne cesse d’être minimisé par la défense depuis le premier procès. Leur but est de montrer qu’il s’agit d’une rixe entre deux groupes d’égale violence, provoquée par le groupe des antifascistes, tout en niant l’aspect politique des faits. De l’autre côté, les parties civiles souhaitent rappeler l’aspect éminemment politique présent dans les gestes qui ont entrainé la mort de Clément Méric.