
Le président de la République a déclaré le 23 août 2019 soutenir à la fois le recours formé par une préfète contre l’arrêté d’un maire qui a interdit les pesticides à 150 mètres des habitations et les intentions portées par ce maire. Cette communication contradictoire, et donc vide de sens, a pour conséquence de maintenir le statu quo en matière environnementale.
(...) Quoique contradictoires avec ses propos invitant en mars 2018 la jeunesse indienne à ne jamais suivre les règles et donc à ne pas respecter la loi (« You don’t always have to follow the rules. That’s bullshit »), les déclarations du président de la République se veulent habiles, selon une technique désormais bien éprouvée – je soutiens le maire et « en même temps » je soutiens le préfet qui s’oppose au maire – mais devenue lassante car prévisible et usée jusqu’à la corde (v. La République en miettes, 2019, p. 257-275 : « Le vide doctrinal au pouvoir » ; Françoise Fressoz, « Pour ne pas prendre le mur, Emmanuel Macron refuse de figer une doctrine », lemonde.fr, 27 août 2019 : « pour ne pas prendre le mur, le président refuse de figer une doctrine. Il penche tantôt à gauche, tantôt à droite, libéral un jour, keynésien le lendemain »).
Sur le terrain de la communication, ces déclarations donnent l’illusion que le locuteur, qui s’exprime avec la conviction attendue chez qui possède depuis septembre 2018 le titre onusien de « Champion de la Terre », maîtrise le dossier, via l’emploi de phrases toutes faites, passe-partout, transposables à tous les sujets (il suffit grosso modo de remplacer « pesticides » par « temps de travail », « durée de cotisation », « rythme scolaire »…) ; elles font diversion.
A l’analyse au surplus, elles sont en total décalage avec la réalité de l’état du droit tel que rappelé ci-dessus comme des faits.
On rappellera à cet égard que c’est la majorité présidentielle qui, au cours de la discussion de l’article 83 de la loi du 30 octobre 2018 dite EGALIM résultant d’un amendement n° CE487 présenté par le gouvernement, a refusé des mesures restrictives et coercitives à l’encontre des pesticides, leur préférant de vagues et non-contraignantes « chartes d’engagements à l’échelle départementale » appelées à être signées avant le 1er janvier 2020 entre agriculteurs et riverains sur l’utilisation des pesticides à proximité immédiate (« zones attenantes ») des habitations, pourvu que d’ici là l’exécutif publie un décret permettant d’encadrer le contenu de ces chartes censées contenir des mesures de protection des personnes assez sommaires (...)
ce décret n’a toujours pas été pris, alors qu’il avait été annoncé pour la mi-juillet 2019 ! Pour un exécutif qui prétend vouloir « changer vite » les choses en matière d’utilisation des pesticides, cela fait mauvais genre…
On comprend mieux, dans ce contexte, que le projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique adopté en Conseil des ministres le 28 août 2019 comporte une disposition-bidon en matière environnementale, indiquant sans valeur ajoutée juridique ou même symbolique (il existe déjà une Charte de l’environnement dans la Constitution) que la République « favorise » l’environnement (ce terme neutre a été préféré à celui, plus contraignant, selon lequel la République « agit » pour l’environnement).
Au fond, il n’est nul besoin de modifier la loi pour interdire l’utilisation des pesticides à 150 mètres des zones d’habitation dans tous les départements français, et non pas seulement dans la commune de Langouët – malgré ce qu’a laissé entendre le président de la République – qui ne présente à l’égard de ces produits nocifs aucune particularité locale la distinguant des 35 000 autres communes : il suffit que, par un simple arrêté, les ministres nommés par le président de la République en décident ainsi (...)
En attendant, comme d’habitude désormais et sur tous les sujets (v. en dernier lieu : Ellen Salvi, « Macron après le G7 de Biarritz : derrière la com’, le statu quo », Mediapart, 27 août 2019), au-delà de la communication, au-delà de l’autosatisfaction qui consiste à proclamer qu’il transforme « profondément » (cet adverbe est frénétiquement utilisé par le président de la République depuis un mois, y compris à l’occasion de l’interview donnée à Kombini news – « j’ai changé, très profondément » –, avec des déclinaisons comme lorsqu’il dénonce, à l’instar de Donald Trump et Marine Le Pen, un mystérieux « Etat profond » coupable de faire obstacle à la mise en œuvre de ses projets ou lorsque le compte-rendu du Conseil des ministres du 28 août 2019 annonce avoir l’ambition de « revitaliser notre démocratie en profondeur ») les choses pour tenter de masquer qu’il reste à leur surface, l’exécutif n’engage rien de substantiel pour préserver l’environnement, quand ses politiques ne contribuent pas à sa « profonde » dégradation.