
Octobre 2022, le préfet de Mayotte s’apprêtait à mettre à exécution le seizième arrêté portant évacuation et démolition d’un quartier, pris en application de l’article 197 de la loi ELAN – un dispositif dérogatoire qui permet, à Mayotte et en Guyane, de faciliter l’expulsion des occupant.e.s de terrains sans droit ni titre. Plusieurs habitant.e.s, soutenu.e.s dans cette démarche par la LDH (Ligue des droits de l’Homme), ont contesté devant le tribunal administratif de Mayotte l’arrêté en date du 19 septembre 2022 portant évacuation et démolition du lieu-dit Doujani.
Le 8 décembre 2022, le juge des référés de ce tribunal a ordonné la suspension de l’arrêté préfectoral estimant qu’un doute sérieux pesait sur sa légalité dès lors qu’en méconnaissance des dispositions législatives« aucune proposition concrète sur les offres d’hébergement n’a été adressée aux requérants avant la notification de l’arrêté litigieux et (…) qu’aucune pièce ne permet de connaitre la consistance des propositions d’hébergement dont se prévaut la défense, ne permettant pas ainsi au juge d’exercer son contrôle sur la réalité et le caractère adapté desdites propositions contestées par les requérants ». Par un raisonnement spécieux, il parvient à limiter les effets de sa décision : l’arrêté est suspendu en tant qu’il concerne les seules familles requérantes. Qu’en est-il des autres occupant.e.s qui n’ont pas été en mesure de faire valoir leurs droits individuellement ?Pour lui, la LDH, en tant qu’association nationale, ne justifie pas d’un intérêt à agir pour contester un arrêté pris en application d’un texte applicable aux seuls départements de Guyane et Mayotte. Les questions soulevées par un arrêté pris en application de l’article 197 de la loi ELAN n’excéderaient donc pas les seules circonstances locales !
Dans cette même ordonnance, le juge des référés décidait de transmettre au Conseil d’État la question prioritaire de constitutionnalité qui lui avait été posée par les habitant.e.s, soutenu.e.s là encore par la LDH. Il s’agit de à faire reconnaitre que les solutions de relogement doivent être « adaptées », c’est-à-dire permettre aux habitant.e.s de maintenir la scolarité des enfants, le suivi médical, le suivi social et l’intégration professionnelle engagés.
Ce n’est pas la première fois qu’un arrêté pris en application de l’article 197 de la loi ELAN est contesté et censuré, même si cela reste bien trop rare dans un département où l’accès au droit est loin d’être garanti. (...)
Depuis le mois d’octobre 2020, la préfecture de Mayotte s’entête en effet à multiplier les arrêtés d’évacuation et de démolition, sans que des solutions pérennes de relogement ne soient proposées.Le plus souvent, les familles délogées n’ont d’autre choix que d’aller déboiser un autre bout de forêt pour s’y installer, encore plus loin, tandis que d’autres forment la cible parfaite pour des marchands de sommeil qui demandent un loyer conséquent pour un logement encore plus insalubre que le précédent.
Afin d’appliquer une politique protectrice des personnes en situation de précarité, nos associations exigent le retrait sans délai de tous les arrêtés non encore exécutés concernant différentes communes de Mayotte et qui sont entachés des mêmes illégalités. (...)