
Le portefeuille d’identité numérique entre dans sa phase de concrétisation à l’échelon européen. Après que la Commission a révélé l’architecture technique qui soutiendra les différents pilotes, et que de gigantesques consortiums industriels ont été choisis pour les construire, le portefeuille d’identité numérique est à présent entre les mains des institutions européennes, et pourrait se passer d’un vote au Parlement.
La loi sur le portefeuille d’identité numérique entre ce printemps en phase de « trilogue », c’est-à-dire en négociations interinstitutionnelles, entre le Parlement, la Commission et le Conseil européens. Attendu initialement en mars pour être soumis au vote des eurodéputés en assemblée plénière, le paquet de lois sur les possibilités permises par le prochain portefeuille numérique européen pourrait se passer de cette étape et être négocié au plus haut niveau des institutions européennes sans l’avis des députés.
◆ Quand le règlement de l’UE permet de s’affranchir de la démocratie…
En vertu du règlement du Parlement européen (article 71, alinéa 1), le comité parlementaire chargé du dossier sur l’identité numérique (en l’occurrence, le comité ITRE compétent sur les questions industrielles) a voté à la majorité de ses membres, un mandat pour faire entrer la loi sur le portefeuille digital directement en négociation, sans passer par un vote des députés. (...)
En vertu du règlement du Parlement européen (article 71, alinéa 1), le comité parlementaire chargé du dossier sur l’identité numérique (en l’occurrence, le comité ITRE compétent sur les questions industrielles) a voté à la majorité de ses membres, un mandat pour faire entrer la loi sur le portefeuille digital directement en négociation, sans passer par un vote des députés. (...)
Un portefeuille numérique aux possibilités multiples
Le portefeuille d’identité numérique est dans les cartons de l’Union européenne (UE) depuis plus d’un an et demi. En juin 2021, le règlement sur le droit digital (règlement eIDAS) a été modifié pour inclure le cadre légal du prochain portefeuille numérique européen.
« C’est passé comme une lettre à la poste », se souvient Virginie Joron, eurodéputée française issue du Rassemblement national et membre du groupe « Identité et Démocratie » au Parlement européen.
Dès lors, trois avancées majeures ont eu lieu. D’abord, un groupe opaque d’experts de la Commission européenne a imaginé l’architecture de référence qui soutiendra les portefeuilles digitaux et les rendra interopérables. Puis, deux gigantesques consortiums d’industriels (POTENTIAL et NOBID) ont été choisis par la Commission pour construire les premiers pilotes.
Ainsi, ce portefeuille numérique, application mobile ancrée dans votre téléphone sur une nouvelle génération de cartes SIM, contiendra vos données civiles et biométriques (empreinte digitale, photo…), permettra d’héberger votre dossier médical partagé et y recevoir vos ordonnances électroniques, donnera accès aux services bancaires et gouvernementaux (impôts, prestations sociales, services préfectoraux, etc.), contiendra votre permis de conduire digitalisé et potentiellement tout document et certificat important (diplômes, attestations d’assurance, etc.). Enfin, le portefeuille numéirique devra pouvoir servir de terminal de paiement, via la connectivité NFC des téléphones portables, et sera compatible avec le prochain euro digital. (...)
◆ Quand la technologie supplante la démocratie
Alors que cette technologie rend possible des usages liberticides en cas d’un partage trop permissif des données entre les différents compartiments du portefeuille numérique, et offrirait aux États une connaissance quasi exhaustive des usages et comportements de leurs administrés, les garde-fous légaux sont importants pour empêcher un dévoiement de la technologie en outil de contrôle politique. D’autant que les entreprises qui co-construisent les premiers pilotes de portefeuilles numériques, comme les français Thales ou Idemia, sont déjà à la pointe des technologies de surveillance. (...)
Lire aussi :
– (Parlement européen, communiqué)
Les députés soutiennent le portefeuille numérique européen
Le nouveau cadre d’identité numérique offrira aux citoyens de l’UE un accès numérique aux principaux services publics au sein des frontières de l’UE.
La commission de l’industrie, de la recherche et de l’énergie a adopté sa position sur la proposition de mise à jour du cadre européen de l’identité numérique (eID) par 55 voix pour, 8 voix contre et 2 abstentions.
La nouvelle eID permettra aux citoyens de s’identifier et de s’authentifier en ligne (via un portefeuille d’identité numérique européen) sans avoir à recourir à des fournisseurs commerciaux, comme c’est le cas aujourd’hui - une pratique qui a soulevé des problèmes de fiabilité, de sécurité et de confidentialité. Il permettra également aux utilisateurs de contrôler pleinement leurs données et de décider quelles informations partager et avec qui.
Dans leurs amendements, les députés proposent de faire du portefeuille électronique européen un outil qui peut également lire et vérifier des documents, et permettre des interactions. Ils proposent des mesures visant à renforcer la protection de la vie privée et la cybersécurité ainsi qu’à enregistrer toutes les transactions afin de garantir la responsabilité des parties.
L’utilisation du portefeuille européen sera volontaire. Les députés veulent également interdire tout traitement différencié des citoyens qui choisissent de ne pas l’adopter. Le système exigerait que chaque État membre notifie au moins un "portefeuille" au système d’identification électronique afin de les rendre interopérables au niveau européen.
Le projet de législation comprend des dispositions visant à demander, obtenir, stocker, combiner et utiliser en toute sécurité les données d’identification personnelle et les attestations électroniques, ainsi que leur utilisation pour s’authentifier en ligne et hors ligne et pour accéder aux biens et aux services publics et privés.