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« Le plus difficile, c’est ce flicage permanent » : à la Macif, les salariés craquent
#MACIF #travail #burnout
Article mis en ligne le 17 juillet 2023
dernière modification le 16 juillet 2023

Depuis plusieurs années, les salariés de la Macif alertent sur la dégradation de leurs conditions de travail. Entre la pression, la surveillance quotidienne et le rendement imposé, beaucoup se mettent en arrêt pour cause d’angoisse au travail.

Quand je suis entrée à la Macif, j’étais super contente. Il y avait une bonne ambiance : on riait, on blaguait, on avait des horaires équilibrés… » Lors de son arrivée dans la mutuelle en 2013, Nora* [1] s’épanouissait en tant que téléconseillère. Mais la centralisation et la suppression des différentes directions régionales en 2017 puis un plan « stratégique » adopté en 2021 ont chamboulé la situation en interne.

La charge de travail a augmenté, le nombre d’heures travaillées également, et un large contrôle a été instauré [2]. D’après le baromètre social de la Macif de 2023, 41 % des salariés n’ont pas le sentiment que leur entreprise agit en faveur de la qualité de vie au travail. « Il y a un mal-être général, tous services confondus », poursuit Nora. Selon elle, les changements récents engendrent une pression énorme sur les employés. Au point que le nombre de démissions, d’inaptitudes ou d’arrêts a augmenté ces dernières années.

« J’adore mon métier, mais ce qui est compliqué, c’est tout ce qui parasite derrière : les objectifs, les chiffres, les tableaux... On est juste téléconseillers, pas trader ! », lâche Nora avec amertume. Quand la quadragénaire a intégré la Macif il y a dix ans, les objectifs de contrat étaient annuels et mutualisés. Aujourd’hui, le rythme s’est accéléré et les quotas sont individuels. « On doit faire neuf contrats par jour et par personne. C’est énorme, et ce n’est pas tenable », explique-t-elle.

Surcharge de travail (...)

« Sur les douze personnes de mon service, en général, il n’y en a qu’une qui atteint les objectifs. Cela fait douter de la propreté des contrats vendus… » Il craint qu’avec la pression au rendement, certains contrats soient vendus en jouant sur les peurs des assurés, sans que ceux-ci en aient vraiment besoin. Stéphane voit ici une contradiction avec les valeurs mutualistes et solidaires affichées par la Macif.

La surcharge de travail semble par ailleurs toucher tous les services. Alice*, au service des sinistres corporels (celui en charge de gérer les accidents par exemple) depuis trois ans, doit traiter une quarantaine de dossiers par jour, en plus des appels. « On a des alertes quand on a 180 dossiers non traités, mais actuellement ça s’accumule plutôt à 500... », pointe-t-elle.

Les employé·es assistent également à un glissement des tâches, notamment dans les centres de relation client, où le temps passé au téléphone augmente largement sans que les autres activités diminuent. « On est devenu une plateforme téléphonique, s’indigne Sophie* qui travaille au service corporel depuis quatre ans. Au début, on n’avait pas autant d’appels, là on fait deux métiers, mais payés un seul… »

Pour inciter les salariés à vendre davantage, des jeux sont régulièrement organisés par les managers. (...)

Les salariés sont divisés en équipes et les gagnants sont récompensés par un petit-déjeuner. Pour les salariés interrogés, ce système est infantilisant et inutile. (...)

Une surveillance généralisée

« On ne peut pas imaginer le nombre de tableaux qu’on a, tout est tracé », décrit Pierre, manager. En plus de la quantité de travail réalisé, une surveillance renforcée s’applique aux pauses et aux retraits. (...)

la Macif a mis en place une surveillance constante des employés et a supprimé l’autonomie qu’il pouvait avoir dans son travail. « Aujourd’hui, je remplis des tableaux et je rends des comptes. J’ai des directives sur tout, même les diapos pour les réunions sont déjà faites. » « J’ai déjà vu des managers aller chercher quelqu’un aux toilettes », décrit aussi Sophie, au service corporel.

Emma*, téléconseillère depuis dix ans, explique de son côté avoir coupé les notifications du chat en direct à cause du stress que les messages réguliers génèrent. « On reçoit des messages toute la journée, quand on doit aller en pause, quand on doit revenir, quand le flux est fluide, on nous dit de continuer comme ça et quand il est tendu on nous dit d’accélérer », indique la téléconseillère en montrant des captures d’écran d’une journée type. (...)

Turn-over, burn-out et arrêts maladie (...)

Des tentatives d’alertes

Les salariés et l’ensemble des organisations syndicales signalent la dégradation progressive de leurs conditions de travail depuis plusieurs années déjà. « On a alerté plein de fois, ça concerne toute la France et tous les services », précise Dominique, délégué CGT.

Fin mai, l’ensemble des gestionnaires du service des sinistres corporels a envoyé un courrier à la direction demandant des solutions « à la hauteur des dégâts », notamment sur la question du flux téléphonique trop important et la quantité de travail à effectuer. À la suite de cette lettre, la Macif a formulé une proposition : ajouter une heure de réception des appels qui concernent uniquement ses propres dossiers. Cela a été jugé insuffisant par les salariés. Une journée de grève a été déclarée dans les services de gestion à distance (SDG) le 8 juin.

« Sur environ 250 personnes, seule une dizaine n’étaient pas en grève », renseigne Bruno, délégué de Force ouvrière. Durant de cette journée, la Macif a annoncé que « les appels routés normalement vers les services de gestion à distance seront dissuadés par un message demandant de rappeler en raison d’un problème technique ». Les clients de la mutuelle n’ont donc pas connu la réelle raison des appels bloqués. (...)

« Tout l’humain a été perdu. C’est devenu une grosse machine, avec une intensification du travail. On fait remonter, mais on n’est pas écoutés… »