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le Monde
Le plafonnement des indemnités prud’homales jugé contraire au droit international
Article mis en ligne le 12 juin 2019

Instauré en 2017 par les ordonnances Macron, ce dispositif, qui s’applique à un salarié qui aurait été licencié de manière infondée, serait contraire à la convention de l’Organisation internationale du travail.

Le débat sur la réforme du code du travail, qui fit rage en 2017, vient de rebondir devant le conseil de prud’hommes de Troyes. Dans cinq litiges, cette juridiction vient de juger contraire aux engagements internationaux de la France une des mesures les plus importantes adoptées l’an passé : le plafonnement des dommages-intérêts qu’un tribunal accorde à un salarié victime d’un licenciement « sans cause réelle et sérieuse ».

Une disposition très controversée à laquelle Emmanuel Macron tient beaucoup : il l’avait inscrite dans son programme de campagne après avoir – vainement – tenté de la mettre en place quand il était ministre de l’économie, sous le quinquennat de François Hollande. (...)

Dans sa demande, le salarié avait – notamment – exprimé le souhait que soit écarté le barème obligatoire instauré en 2017, au motif que celui-ci ne respecte pas deux textes : la convention 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT) et la Charte sociale européenne. Celles-ci prévoient qu’une juridiction, en cas de licenciement infondé, doit pouvoir ordonner le versement au salarié d’une « indemnité adéquate » ou toute autre forme de réparation « appropriée ». (...)

Les prud’hommes ont donné gain de cause à Jean-Paul G. Pour eux, la réforme de 2017 a eu comme effet d’introduire « un plafonnement limitatif des indemnités prud’homales [qui] ne permet pas aux juges d’apprécier les situations individuelles des salariés injustement licenciés dans leur globalité et de réparer de manière juste le préjudice qu’ils ont subi ».

En outre, les montants maximaux fixés dans le barème « ne permettent pas d’être dissuasifs pour les employeurs qui souhaiteraient licencier sans cause réelle et sérieuse » : ils « sécurisent davantage les fautifs que les victimes et sont donc inéquitables ».

Une précision importante : la décision de jeudi a été rendue par une formation collégiale, composée de deux conseillers salariés et de deux conseillers employeurs, ce qui signifie que l’un de ces derniers, au moins, était favorable à l’analyse juridique développée dans le jugement.

« Elle me paraît très pertinente », commente Pascal Lokiec, professeur à l’école de droit de la Sorbonne. A ses yeux, la réforme de 2017 a fixé des niveaux d’indemnité minimaux et maximaux qui laissent très peu de « marge d’appréciation » au juge dans certaines situations. (...)

Autre problème soulevé par le plafonnement des indemnités prud’homales : il offre la possibilité à une entreprise « de connaître à l’avance, au centime près, le coût maximal d’un licenciement injustifié, ce qui, pour moi, n’a pas sa place dans un Etat de droit », complète Pascal Lokiec.

Les conseillers prud’homaux de Troyes « ouvrent la voie de la résistance des juges contre [une] réforme inacceptable », a réagi le Syndicat des avocats de France (SAF), dans un communiqué diffusé vendredi. Cette organisation entend poursuivre le combat contre le barème, à l’occasion d’autres contentieux portés devant les tribunaux. (...)

Dans une autre affaire opposant un salarié à son patron, le conseil de prud’hommes du Mans avait, lui aussi, été invité à se pencher sur la conformité du barème aux conventions internationales. Sa réponse, en septembre, avait été rigoureusement inverse à celle des prud’hommes de Troyes : oui, avait-il conclu, les plafonds posés en 2017 par le législateur respectent la convention de l’OIT.

« Il appartient toujours au juge (…) de prendre en compte tous les éléments déterminant le préjudice subi par le salarié licencié », avaient écrit les conseillers prud’homaux du Mans, en citant notamment « l’âge et les difficultés à retrouver un emploi ».(...)