
Après s’être longtemps opposée aux ambitions de Google, la Bibliothèque nationale de France (BNF) a annoncé mi-août qu’elle négociait avec lui pour la numérisation de ses ouvrages. Où mène le gigantesque fleuve de culture rendue « liquide » par le passage au virtuel ? Qui le contrôlera ? La montée en puissance de l’e-book (livre électronique) conduit certains à redouter les mirages de la bibliothèque universelle et la dilution de l’espace démocratique dans le gigantisme commercial.
...Ces visions et intérêts parfois divergents relèvent d’une logique de fond et d’une stratégie commune. Le livre, cerné de toutes parts, est sommé de rentrer dans l’ordre numérique. Des multinationales de l’électronique, des géants du Web et des start-up y voient un gisement de profits, un territoire qui ne doit échapper ni à la dématérialisation ni à la technologie. L’enjeu économique, pour la France : 3 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2007, pour soixante-quinze mille titres publiés et quatre cent quatre-vingt-cinq millions d’exemplaires vendus — ce qui en fait de loin la première industrie culturelle.
De nombreux acteurs de la chaîne du livre sont dubitatifs...
...Le livre papier, dans sa linéarité et sa finitude, dans sa matérialité et sa présence, constitue un espace silencieux qui met en échec le culte de la vitesse et la perte du sens critique. Il est un point d’ancrage, un objet d’inscription pour une pensée cohérente et articulée, hors du réseau et des flux incessants d’informations et de sollicitations : il demeure l’un des derniers lieux de résistance.