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Basta !
Le « jeune », ennemi public n°1 ?
Par Agnès Rousseaux (23 février 2010)
Article mis en ligne le 26 février 2010
dernière modification le 25 février 2010

Des adolescents de 14 ans en garde à vue, des enfants de 6 ans embarqués au poste de police, des « établissements pénitentiaires pour mineurs », des « centres éducatifs fermés » pour jeunes, des « peines planchers » pour les « récidivistes » de 13 ans… Les enfants délinquants sont de plus en plus considérés comme des adultes. La justice pour mineurs est-elle en train de perdre définitivement sa spécificité ? La délinquance juvénile a-t-elle vraiment « explosé » ? Retour sur une décennie durant laquelle le discours politique a transformé les jeunes en menace....

Chaque année, 2000 mineurs passent par la case prison. Ce chiffre demeure - pour l’instant - stable. En mai 2009, 743 jeunes de moins de 18 ans étaient incarcérés. Les trois quarts sont enfermés dans les quartiers pour mineurs des maisons d’arrêt, les autres découvrent les nouveaux établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM), créés en 2002 par la Loi d’orientation et de programmation pour la Justice (loi Perben). Sept EPM ont été construits [1] et peuvent accueillir 60 jeunes chacun. Si, malgré le discours sécuritaire ambiant, on ne constate pas d’inflation du nombre de mineurs incarcérés, « les historiens de la justice relèvent que l’on n’a jamais construit des prisons qui sont restées vides », prévient la journaliste Nathalie Dollé, auteur du livre « Faut-il emprisonner les mineurs ? »...

...L’incarcération « est une rupture supplémentaire, renforce les risques de passages à l’acte violent tournés contre les autres ou contre eux-mêmes », déplore le Syndicat national des personnels de l’éducation surveillée - Protection judiciaire de la jeunesse (SNPES-PJJ)....

...« Dans une société économiquement rétractée, les déviants ne sont pas une priorité. En plus ils deviennent les boucs émissaires. Observer la façon dont on traite les enfants déviants donne une bonne vision de l’état d’esprit de la société et des adultes », analyse Nathalie Dollé. Le basculement de notre société dans l’ultralibéralisme va de pair avec la mise en avant de la responsabilité individuelle : chacun, qu’il soit chômeur, pauvre ou désoeuvré, est jugé intégralement responsable de son sort....

...Après la seconde guerre mondiale, l’ordonnance de 1945 relative à la justice pour mineurs pose le principe du caractère exceptionnel de l’incarcération. Après les camps, l’emprisonnement n’est plus vu de la même manière… Pourtant, après la guerre, le taux de délinquance est des plus élevés. Mais la reconstruction ne se fera pas sans la jeunesse. Cette orientation est fortement remise en cause depuis quelques années. « Trahissant l’esprit de l’ordonnance de 1945, le gouvernement fait le choix de répondre aux actes délictueux par la seule logique de l’enfermement, écartant la nécessaire recherche des causes de ces passages à l’acte qui seule pourrait en éviter la réitération », dénonce le SNPES-PJJ....

La méfiance généralisée par rapport à la jeunesse est entretenue - voire créée - par des discours sécuritaires. « Aujourd’hui on fait venir des flics dans les cours d’école. Cela montre la faillite généralisée des adultes et une peur sociale démesurée. Des gamins de 10 ans se rendent compte qu’ils peuvent faire peur, ils ne vont pas se gêner... ». En réponse à cela, on a fait disparaître le mot « enfant » des textes juridiques.