
Madame la Ministre,
La Ligue des droits de l’Homme tient à vous exprimer sa plus vive inquiétude concernant les conditions dans lesquelles est respecté, pour les enfants roms (ou supposés tels), le droit fondamental à l’éducation.
Vivant avec leurs parents dans une grande précarité, ces enfants voient ce droit fondamental menacé par des expulsions incessantes. Pourtant, la législation française soumet à l’obligation scolaire tout enfant, français ou étranger, âgé de 6 à 16 ans et résidant sur le territoire national. Par ailleurs, la Convention internationale des droits de l’enfant (Cide), ratifiée par la France, prévoit pour chaque enfant le droit à l’éducation.
Dans un communiqué de presse du 12 janvier dernier, la LDH recensait les évacuations forcées de lieux de vie occupés par des Roms (ou perçus comme tels) et en dénonçait le caractère indigne, inhumain et dégradant. Durant l’année 2015, 60 % des personnes recensées occupant des bidonvilles ont été évacuées de force. Et la liste s’allonge. En effet, selon notre dernier recensement, 2 582 personnes ont été évacuées de force de leurs bidonvilles durant les mois de janvier et février 2016, soit environ 300 personnes par semaine. Nous estimons qu’un tiers de ces personnes sont des enfants.
Malgré les structures spécifiques mises en place par l’Education nationale, les enfants roms doivent parcourir un chemin semé d’embûches pour entrer dans une salle de classe. Si l’on veut que leur scolarisation ne reste pas le vœu pieux d’un texte officiel, il faut accomplir tout un travail préalable qui n’est, pour l’instant, réalisé par aucun service de l’Etat : identifier les familles avec des enfants scolarisables, les informer et les accompagner pour les formalités administratives. Ce sont les militants associatifs qui accomplissent ce travail. (...)
Sans ces militants, sans leur forte implication, la scolarisation des enfants roms aurait été impossible. De plus, les résultats scolaires sont encourageants. Les enseignants soulignent fréquemment les progrès importants réalisés par les enfants, notamment dans la maîtrise de la langue française.
Cependant, ce travail et ces résultats sont anéantis par les expulsions continues des bidonvilles. (...)
A quelle nécessité impérieuse répond le besoin de les expulser en hiver, en pleine année scolaire, et de compromettre ainsi les premières pierres de l’intégration et de l’accès à la formation ?
Les organisations internationales dénoncent elles aussi fermement ces expulsions. (...)