Le coup de foudre n’existe pas d’un point de vue statistique, et le prince charmant est un leurre. Les relations amoureuses semblent globalement s’appuyer sur un puissant narcissisme en même temps qu’une recherche de l’entre-soi. On assiste aujourd’hui à la recherche généralisée d’une sorte d’amour « Frankenstein », qui explique en partie la montée en puissance actuelle du célibat.
Dans Nos Cœurs sauvages, paru aux Éditions Arkhê, France Ortelli analyse les maux amoureux de notre génération. Nous en publions des extraits.
Le désir de perfection nous entraîne dans une quête du meilleur partenaire possible : le plus beau, le plus intelligent, le plus drôle. La recherche de la personne idéale, encouragée par une pression permanente, celle de la « réussite », passe aussi par la valorisation de soi-même.
Mais pourquoi ? Pour qui ? Le désir de choper plus haut et plus gros nous a-t-il rendus malades ?
Le coup de foudre est-il un leurre ? (...)
Avant, on se mariait. Ensuite, éventuellement, on tombait amoureux. Dans la quête de l’amour absolu, magnifié par la société occidentale actuelle, les couples commencent par tomber amoureux et, si tout se passe bien, se marient. Le coup de foudre est placé au cœur du processus amoureux. Par sa facilité d’exécution, il nous affranchit des conventions sociales, il s’oppose aux manœuvres en coulisses des parents ou des amis. Il réaffirme notre liberté individuelle, notre autonomie, qui n’a cessé de croître durant la seconde moitié du XXe siècle.
Il a aussi l’immense avantage d’apporter une solution toute prête au casse-tête infernal de la multiplication des choix. Il est pourtant réciproque pour très peu d’élus. (...)
De nombreux auteurs contestent d’ailleurs l’authenticité du coup de foudre. (...)
Pour Nicolas Duruz, docteur en psychologie et psychanalyste, le coup de foudre est même une façon de combler ses blessures, l’autre devenant alors une sorte de thérapeute qui vient pointer du doigt nos propres névroses : (...)
L’astuce consisterait donc à utiliser nos coups de foudre pour déchiffrer ce qu’il y a chez l’autre dont nous avons tant besoin ? (...)
Dans tous les cas, le coup de foudre ne frappe pas au hasard : une personne plutôt à notre image, ou bien qui vient combler nos manques. On pensait que ce type de rencontre relevait d’une alchimie surnaturelle entre deux êtres, or voilà que nous serions face à un phénomène de narcissisme pur. (...)
Penchons-nous sur cet autre mythe qui va de pair avec le coup de foudre : le Prince ou la Princesse Charmante. Si l’on consulte la section « Je ne rencontre personne » de Psychologies Magazine, la plupart des témoignages font référence à cette chimère. (...)
La croyance quasi mystique en l’existence d’un partenaire idéal, éternelle carotte au bout du bâton de l’âne du célibataire, peut ainsi s’avérer extrêmement néfaste et contre-productive. Comme cette phrase insidieuse, qui sert parfois, dans un élan condescendant, à consoler les âmes en peine : « Il y a quelqu’un qui t’attend quelque part, il suffit de le croiser. » Merci, mais comment ? (...)
Si l’on part du postulat que notre partenaire idéal est prédéterminé à la naissance, que l’on n’a aucun moyen de savoir qui il est, ni où il se trouve, mais que l’on croit pouvoir le reconnaître instantanément au moment où nos regards se croiseront, eh bien, on peut dire sans trop se tromper que cette hypothèse doublement irrationnelle (prince charmant + coup de foudre) nous promet une vie amoureuse âpre et décevante. D’ailleurs, que serait un monde régi par le concept d’âme sœur ? (...)
Nous tentons de maximiser l’utilité de chacune des personnes que nous rencontrons, jusqu’à collectionner leurs bienfaits et les amalgamer en un tout : une créature Frankenstein. (...)