Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
La vie des idées
Le contrôle au faciès devant les juges
Slim Ben Achour est avocat à la Cour d’appel de Paris et co-responsable de la commission « Discrimination » du syndicat des avocats de France (SAF).
Article mis en ligne le 7 février 2018

À l’occasion de la sortie de Police. Questions sensibles, dans la collection Puf-Vie des idées, l’avocat Slim Ben Achour revient sur son combat pour faire reconnaître, et condamner, la pratique du contrôle au faciès par la police française.

Nous parlons beaucoup des enjeux liés au profilage ethnique avec mes confrères étrangers états-uniens, sud-américains, anglais, hollandais, allemands. Bien évidemment le racisme institutionnalisé - le racisme du contrôle, l’éventuel racisme au sein des forces de police -, n’est pas une particularité française. En revanche, il y a une particularité bien française, c’est le déni de la discrimination, qui prend ici la forme d’une croyance dans l’absolue réalité du principe d’égalité et de sa réelle application dans les faits. (...)

La résistance que nous avons rencontrée n’est pas liée, paradoxalement, aux normes de droit, mais à la transgression que constitue pour un juge le fait d’appliquer simplement le droit à des personnes dont on considère qu’elles n’ont pas, pour une raison ou une autre, à faire valoir des droits (...)

il faut le souligner, pendant pratiquement 5 ans, l’État a soutenu que les principes d’égalité et de non-discrimination ne s’appliquaient pas au contrôle d’identité, ce qui est absolument fou sur le plan historique et juridique. (...)

Ce qui nous a permis de gagner, c’est un contexte général, établi par les statistiques et des rapports sociologiques ou d’instances nationales et internationales de défense des droits de l’homme, et des attestations qui permettaient d’individualiser et d’établir que les personnes qui avaient porté leur dossier devant les juridictions parisiennes avaient raison. Ce qui est également remarquable, c’est que les instances, par exemple la Commission nationale consultative des droits de l’homme ou le Défenseur des droits, se sont approprié les données fournies par les études statistiques ou sociologiques et ont fait leurs propres études, qui ont ensuite alimenté nos dossiers. (...)

Dans les affaires de contrôle au faciès, la partie forte, ce sont les policiers, ou l’État, et ils devraient avoir à se justifier de ce manquement ou de cette suspension des droits des justiciables. Il n’y a pas meilleur levier pour cela que de dire au juge : « Ne me demandez pas d’apporter la preuve de la discrimination d’un tel ou une telle ; les statistiques, la sociologie, établissent que les contrôles d’identité ne sont réalisés qu’en direction de certaines personnes ». C’est exactement ce que nous allons soutenir devant la Cour européenne des Droits de l’homme (...)