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la Provence
Laïcité : à Marseille, le contrôle des abayas cristallise les tensions dans les lycées
#femmes #educationNationale #Marseille
Article mis en ligne le 9 juin 2023

De l’huile sur le feu", "une chasse aux sorcières", "la police des moeurs"... Depuis quelques semaines, le malaise est palpable dans plusieurs lycées marseillais et les expressions pleuvent pour qualifier l’application de la circulaire ministérielle, publiée en novembre dernier, sur le contrôle des signes religieux à l’école. Au centre des tensions, les abayas (robes longues couvrant l’intégralité du corps) et la difficile distinction entre le culturel et le cultuel.

Reconnaissant qu’il n’allait "pas regarder les photographies chaque matin et décider si un vêtement est à caractère religieux ou pas", le ministre de l’Éducation Pap Ndiaye a donc laissé cette appréciation aux chefs d’établissement qui se retrouvent, de fait, en première ligne. Aux lycées Thiers (1er) et Diderot (13e), des mobilisations d’assistants d’éducation (AED) et de professeurs se sont succédé pour dénoncer "l’acharnement" des directions contre les jeunes filles d’origine musulmane vêtues de robes longues, quand d’autres professeurs défendent "le strict respect de la laïcité". La communauté éducative se fissure, avec la circulaire dite Ndiaye en toile de fond. Et certaines situations, déjà crispées, s’embrasent. (...)

Au lycée Victor-Hugo (3e), un conflit larvé oppose la direction et certains AED depuis des mois. Et a explosé sur fond d’accusations de racisme. Jusqu’au point de non-retour, atteint jeudi dernier, avec l’intrusion d’une cinquantaine de personnes au sein de l’établissement, pour demander la réintégration d’un AED licencié.

L’action est décrite par la CGT comme "une initiative contre la répression syndicale, face aux suspensions abusives décidées par une direction juge et partie et à un rectorat qui reste sourd aux différentes alertes lancées depuis novembre". Un rectorat qui dénonçait "des violences physiques et verbales" sur le proviseur et son adjointe, nécessitant l’intervention de la police. Bilan : trois interpellations, deux jours d’ITT pour les deux personnels de direction, une plainte déposée par le proviseur et la direction académique et une réunion en préfecture dans la foulée, entre le rectorat et les représentants CGT, qui devait finalement clore ce chapitre.

Pourtant, rien n’est vraiment réglé à Victor-Hugo. (...)

les propos du proviseur, enregistrés en septembre et révélés en avril par Mediapart, ont durablement marqué les équipes. Après avoir reproché à certaines élèves de porter des abayas, il avait argué : "Je suis tenu de faire respecter le texte (...) je me dois de vous préparer au mieux à votre insertion professionnelle et sociale. Je ne veux pas que vous restiez à la maison avec dix gamins à faire le couscous, le tajine ou les samoussas." Un discours ponctué de "mes chéries" jugé "inadmissible" par les AED et qui avait créé une fissure profonde au sein de l’équipe éducative. (...)

S’il convient que le proviseur est "plus maladroit et sans filtre" que véritablement raciste, un professeur de Victor-Hugo ne dédouane pas pour autant sa direction. "Nous sommes tous attachés au principe de laïcité, fixe-t-il. Mais se cacher derrière pour tenir des propos humiliants à des jeunes filles, ce n’est pas la défendre, c’est l’insulter." Un avis qui se propage dans une partie de la salle des profs, où certains regrettent "le zèle de la direction" dans l’application de la circulaire.

Un point de vue que ne partagent cependant pas tous les professeurs. (...)

L’équipe éducative est donc divisée en deux clans qui se rejoignent au moins sur un point. "La circulaire, dont certains contours restent flous, a mis de l’huile sur le feu, poursuivent les deux professeures. On ne peut pas faire porter cette responsabilité aux personnels sur le terrain. Le ministre doit clarifier les choses." (...)

Mobilisations et journée de la jupe longue

Si, à Victor-Hugo, la situation semble avoir basculé, pour des raisons pas simplement liées à cette circulaire, le contrôle des abayas agite d’autres établissements, sans atteindre les mêmes proportions. À Thiers, la contestation est venue des élèves qui ont appelé à une journée de la jupe longue, durant laquelle toutes les lycéennes se sont présentées en robe longue. Une opposition pacifique également relayée par certaines AED, qui refusent de "servir de police des moeurs". (...)

"Je suis venue avec une robe longue, qui était pourtant fleurie et un peu cintrée, décrit une élève de 17 ans, en première à Diderot. On m’a arraché mon carnet à l’entrée, puis on est venu me chercher en cours pour m’expliquer que ma tenue influençait les autres. D’autres filles portent des robes longues mais on ne s’en prend qu’à celles qui portent le voile hors du lycée. On a le droit d’avoir de la pudeur..." Une autre élève s’estime "prise pour cible" et raconte, les larmes aux yeux, ne plus venir en cours depuis un mois suite aux remontrances "traumatisantes" des CPE.

Là encore, c’est le flou qui entoure la circulaire qui est pointée et qui, selon les enseignants, met en danger le vivre ensemble au sein de l’établissement. "Arrêtons de s’occuper de la tenue des filles !, s’agace une professeure de lettres-histoire à Diderot. Alors que le climat était apaisé depuis plusieurs années, on cristallise les frustrations, avec des contrôles qui peuvent être vécus comme des provocations. On met de l’huile sur le feu et on donne l’impression que la population musulmane est traquée."
Le recteur sur place aujourd’hui

Côté des syndicats de professeurs, on s’interroge sur la nécessité de nouvelles consignes, alors que la loi de 2004 avait permis de "construire un dialogue apaisé sur la question". "Compte tenu des difficultés qu’elle pose sur le terrain, nous demandons au ministre de retirer cette circulaire, confie Marion Chopinet, secrétaire académique Snes-FSU, principale fédération des enseignants. (...)

Lire aussi :

- (le Monolecte/Agnès Maillard (février 2010))
La stratégie de la muleta

(...) Ainsi donc, j’ai pris position au sujet de la LOI interdisant la burqa. Pas sur le port de la chose en lui-même. Comment peut-il y avoir des commentateurs qui pensent que je défends l’enfermement des femmes sous un truc qui les empêche de voir correctement, qui doit entraver les mouvements, coller l’été, etc. ? Ce n’est pas de cela dont je parle, mais bien d’une loi qui prétend sauver les femmes de la burqa en les punissant.

Imaginons un peu une loi qui punirait les femmes d’avoir la gueule en sang : "ben oui, faut arrêter de se complaire avec un sale type qui te frappe, ma poule !" Le principe de la loi, c’est de dire que les femmes subissent la burqa, qu’elles sont contraintes de la porter et qu’il faut donc… les verbaliser pour les libérer… !!! (...)

Ça me rappelle un peu les lois sur les putains : sous prétexte de les libérer des macs et des réseaux d’exploitation de chair dénudée…, on a renforcé la législation contre… les putains. C’est sûr que d’être encore plus pourchassées, emprisonnées, rançonnées et reléguées à la périphérie des beaux quartiers, ça a dû vachement aider les femmes à sortir de la prostitution. C’est aussi un peu comme le sempiternel projet de loi qui aimerait bien couper les subsides sociaux aux parents d’enfants difficiles. Là aussi, j’imagine à quel point de se retrouver dans la misère la plus sordide va bien aider les parents dépassés à améliorer l’éducation de leurs mômes rebelles.

En fait, toutes ces lois qui se proposent d’aider les gens en les punissant me fait un peu penser à la BD de Reiser « On vit une époque formidable« , détaillant les différences de traitement entre les riches et les pauvres, BD encore plus pertinente aujourd’hui que du temps de sa sortie.

La loi qui punit n’aide en rien ceux qui en sont la cible. (...)

Si nous en avions quelque chose à foutre du destin de ces femmes enfermées sous leur prison de tissu, tout comme nous en aurions quelque chose à foutre du destin des putains, des clodos, des drogués, des fous, etc., ce n’est pas à une loi répressive de plus que nous applaudirions, mais à une amélioration globale de notre tissu social. (...)

Mais non, pas d’autonomie, pas d’indépendance, pas de libération pour ceux que la pompe en fleur de cuir et à talon ferré du capitalisme triomphant et prédateur écrase chaque jour un peu plus dans leur merde. Non, pas d’amélioration sociale en vue. Ni pour eux, ni pour nous. D’où la nécessité de ces lois iniques qui nous montent les uns contre les autres, qui désignent à la vindicte des bons citoyens en instance de déclassement l’ennemi, le responsable, celui par lequel le malheur arrive, celui ou celle qu’il faudra pourchasser, éliminer quand le trop-plein de merditude ordinaire, de frustration, de paupérisation programmée, devra exploser. Ces lois canalisent notre haine, nous détournent de ce qui devrait être nos buts, nos aspirations, nos revendications. Un coup bas pour nous, un coup bas pour eux, histoire de nous faire oublier notre douleur.

L’égalité salariale entre hommes et femmes se fait attendre encore et toujours ? Criminalisons les putes !
Le mal-logement touche 10 % de la population des honnêtes travailleurs ? Embastillons les clodos !
La modération salariale vide les porte-monnaie de la classe moyenne ? Contrôlons les chômeurs !
Le tissu social implose sous le poids du travail morcelé ? Dégageons les putes des beaux quartiers !
Les travailleurs souffrent de leurs conditions de travail dégradées ? Bouttons les clandos hors de France !
Ils bouffent des antidépresseurs pour tenir et se pendent à leurs ordinateurs ? Traquons la boulette de shit jusque dans les chiottes des lycées !
Les gamins n’ont pas d’avenir ? Interdisons-leur d’en discuter dans les halls d’immeuble, puisque c’est là tout ce qui leur restait !
Le patronat graisse les pattes sous les tables de négociations et les travailleurs n’auront pas de retraite ? Traînons en justice les syndicalistes, les grévistes et les gôchistes des cambrousses profondes !
Les multinationales de l’assurance et des médicaments mettent à genou la Sécu ? C’est de la faute aux malades, tous des hypocondriaques qu’il convient de faire raquer toujours plus !
Les entreprises délocalisent et les chômeurs arrivent en fin de droit ? Il est temps de faire cracher au bassinet le RSAste menteur, profiteur et fraudeur !
Les banquiers ont vidé les caisses de l’État, l’économie qui fait les poches des pauvres pour remplir celles des riches est au bord du gouffre ? C’est qu’il est grand temps de lancer la guerre perpétuelle contre les salopards de terroristes qui nous menacent chaque jour et on va commencer par leurs femelles enburqadées ! (...)