
Nouvelle avancée dans le feuilleton de l’affaire Lafarge en Syrie. Un an après les mises en examen retentissantes du cimentier pour des soupçons de financement du terrorisme en Syrie, les poursuites pour "complicité des crimes contre l’humanité" imputés au groupe Etat islamique (Daech) se retrouvent au coeur d’un bras de fer judiciaire.
Le 28 juin 2018, l’enquête menée sur les activités syriennes du groupe avait franchi un cap avec sa quadruple mise en examen à Paris - pour "complicité de crimes contre l’humanité", "financement du terrorisme", "violation d’un embargo" et "mise en danger de la vie" d’anciens salariés de son usine de Jalabiya (nord) - ordonnée par trois juges d’instruction.
Leur décision était conforme aux réquisitions du parquet de Paris mais ce dernier est aujourd’hui partiellement contredit par le parquet général de la cour d’appel qui s’oppose aux poursuites les plus graves de "complicité de crimes contre l’humanité". Le dossier est désormais dans le dur de la bataille procédurale. (...)
Dans cette affaire hors normes, Lafarge SA, propriétaire de Lafarge Cement Syria (LCS), est soupçonné d’avoir versé en 2013 et 2014, via cette filiale, près de 13 millions d’euros à des groupes jihadistes, dont l’EI, et à des intermédiaires, afin de maintenir l’activité de son site en Syrie alors que le pays s’enfonçait dans la guerre. (...)
Le groupe est également suspecté d’avoir vendu du ciment de l’usine au profit de l’EI et d’avoir payé des intermédiaires pour s’approvisionner en matières premières auprès de factions jihadistes. Si un rapport interne commandé par LafargeHolcim, né de la fusion en 2015 du français Lafarge et du suisse Holcim, avait mis en lumière des remises de fonds de LCS à des intermédiaires pour négocier avec des "groupes armés", Lafarge SA conteste toute responsabilité dans la destination de ces versements à des organisations terroristes et balaie les accusations de "complicité de crimes contre l’humanité". (...)
Pour le ministère public, "il n’existe aucun indice grave ou concordant" que les anciens salariés parties civiles "auraient été victimes" de la "complicité de crime contre l’humanité" reprochée à Lafarge. Dans un bref argumentaire, il fait valoir que les investigations menées sur ces accusations "se sont limitées à des recherches en sources ouvertes", notamment des rapports de l’ONU. L’avocat général affirme en outre que les juges ont été saisis de ce chef "exclusivement" à partir de la plainte des associations.