
En novembre dernier, je me souviens avoir participé dans le cadre du Paris Open Source Summit 2014 à une table-ronde sur l’Open Science. Lors de la séance de questions avec la salle, une discussion particulièrement intéressante a eu lieu à propos des liens entre l’Open Access et les licences libres. Pendant ma présentation, j’avais soutenu l’idée que pour aller vers une forme plus aboutie d’Open Science, il était nécessaire non seulement de rendre accessible les articles gratuitement en ligne, dans le cadre d’une démarche d’Open Access, mais aussi de faire en sorte qu’ils soient réutilisables en les plaçant sous licence libre. C’est une idée que j’ai développée à plusieurs reprises sur S.I.Lex, et notamment dans cet article : « L’Open Access sans licence libre a-t-il un sens ? »
(...) Les textes fondateurs du mouvement de l’Open Access, notamment la déclaration de Budapest de 2001, établissaient bien à l’origine un lien fort entre l’accès ouvert aux articles scientifiques et les licences libres, que ce soit pour la Voie Dorée ou la Voie Verte. Certains projets américains de publication scientifique comme PLoS (Public Library of Science) ont généralisé l’emploi des licences Creative Commons pour la diffusion des articles scientifiques.
Mais c’est encore loin d’être le cas pour l’ensemble des archives ouvertes ou des revues en libre accès, notamment en France, où l’utilisation des licences libres par les chercheurs est au mieux optionnelle et en pratique assez peu développée. Il a ainsi fallu attendre le début de l’année 2015 pour que la plateforme HAL en France offre formellement la possibilité à ses utilisateurs d’utiliser les licences Creative Commons. On aboutit donc au paradoxe que le développement de l’Open Access continue à se faire globalement en France « sous le signe du copyright », alors même que la propriété intellectuelle est souvent dénoncée comme un facteur d’enclosure du savoir scientifique (voir à ce sujet cette synthèse magistrale produite ce mois-ci par Hervé Le Crosnier : « A qui appartient la connaissance ?« ).
Pourquoi placer les articles scientifiques sous licence libre ?
Or lors de la table-ronde de l’Open Source Summit, un chercheur présent dans la salle a posé une question pour demander quels bénéfices au juste on pouvait attendre du passage des articles sous licence libre. Il comprenait en effet l’importance des licences libres dans le secteur du logiciel, dans la mesure où la réutilisation y joue un rôle essentiel. Un « Open Source » limité à l’accès au code source des logiciels n’aurait effectivement pas de sens. Mais dans sa pratique de chercheur, il avouait ne pas voir en quoi il était important de rendre les articles scientifiques « réutilisables ». Pour lui, le vrai bénéfice de l’Open Access est de permettre la libre consultation des articles, en dehors des restrictions imposées par les « paywalls » des éditeurs scientifiques. Leur simple lecture suffit pour pouvoir en extraire les idées et informations pertinentes. La disponibilité en ligne garantit par ailleurs la citabilité des articles et le fait de pouvoir y renvoyer les autres lecteurs par le biais de liens hypertexte. (...)