
En Allemagne, la transition énergétique a pour principal moteur une dynamique citoyenne très forte. Mais cet élan est menacé par les lobbies fossile et fissile qui ont raté le train de la transition et tentent de l’enrayer.
Samedi 10 mai 2014, des dizaines de milliers de personnes manifesteront dans les rues de Berlin pour s’opposer à la réforme de la loi sur les énergies renouvelables. Cette loi est à l’origine du tournant énergétique que le Bundestag doit réviser en juin.
Or, le ministre de l’Economie et de l’énergie Sigmar Gabriel (Social démocrate, SPD) prévoit de baisser de 20 % les tarifs d’achat garantis et de plafonner l’essor du photovoltaïque et de l’éolien terrestre, les deux technologies les meilleur marché et les plus populaires de la transition énergétique en cours.
Il est même envisagé, à l’horizon 2018, de supprimer les tarifs d’achat garantis. Toutes ces mesures auraient pour effet d’asphyxier la dynamique citoyenne à la base d’une évolution spectaculaire source d’inspiration et d’espoir pour les écologistes du monde entier.
Qu’on en juge : en Allemagne, où la sortie du nucléaire est prévue pour 2022, l’atome fournissait 30 % de l’électricité en 2008. Depuis, sa part a régressé à 15 % pendant que l’électricité d’origine renouvelable bondissait de 8 % à 24 %. Les courbes de production d’électricité renouvelable et nucléaire se sont croisées en 2011.
Or, les citoyens sont en très grande partie à l’origine de ce bouleversement (...)
Trop attachés à l’énergie fissile et fossile, ces grands groupes ont manqué le train de la transition et cherchent maintenant par tous les moyens à le freiner pour pouvoir monter en marche. Ils ont perdu un temps précieux à attaquer en justice la loi sur les énergies renouvelables, qui définit depuis 2000 des tarifs d’achat pour leurs différentes sources d’énergie. Aujourd’hui, ils veulent casser une dynamique contraire à leurs intérêts. (...)
Pour la société allemande, en revanche, l’implication citoyenne dans l’énergie a des retombées positives extrêmement importantes et profondes. Tout d’abord, le fait qu’un projet d’équipement de production d’énergie renouvelable soit d’essence citoyenne conduit à une bien meilleure adhésion des populations affectées (bruit, impact paysager, etc.). Cet effet est systématique, y compris dans le domaine ultra conflictuel de l’éolien.
Ensuite, de manière très spectaculaire, les coopératives d’énergie renouvelable favorisent les économies d’énergie. Un phénomène pour ainsi dire mécanique : toute implication dans une coopérative de production d’énergie conduit à réduire son usage en tant que consommateur.
Les coopératives et les sociétés d’investissement citoyennes dans l’énergie ont pour autre effet considérable d’offrir sur un plateau un placement bancaire alternatif aux produits qui détruisent la biosphère. (...)
Au final, l’énergie citoyenne construit une force sociale. Plus elle grandira, plus elle pèsera sur la scène politique en faveur de la nécessaire transition énergétique. Un signe clair de la dimension citoyenne de la transition allemande est le retour d’une partie des services locaux de l’énergie dans le giron public ou leur passage en mains coopératives. (...)
en France, les règles du jeu administratif dressent devant les citoyens une batterie de « petits » obstacles qui ont de quoi décourager les plus battants : une fois additionnées, les mille et une barrières bureaucratiques pour réunir les fonds nécessaires, obtenir un accompagnement technique, être raccordé au réseau, etc. font qu’il faut huit ans en moyenne dans ce pays pour monter un projet éolien contre deux ans et demi en Allemagne. Le diable énergétique, en France, est en grande partie logé dans ces détails.