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Le Monde
« La sous-représentation des ouvriers dans la classe politique pose un problème démocratique »
Article mis en ligne le 10 octobre 2016
dernière modification le 6 octobre 2016

Ils représentent plus de 20 % de la population active mais sont quasiment absents de la vie publique et politique. Julian Mischi, sociologue à l’Institut national de la recherche agronomique et auteur du Communisme désarmé. Le PCF et classes populaires depuis les années 1970 (Agone, 2014) et du Bourg et l’atelier. Sociologie du combat syndical (Agone, 2016), revient sur les ressorts de l’exclusion des ouvriers de la vie politique.

La sous-représentation des ouvriers en politique s’accentue-t-elle ?

Il y a toujours eu une sous-représentation politique des ouvriers, une marginalisation des classes populaires en général. C’est un processus très ancien. Le fait que les plus diplômés et les représentants des classes supérieures accèdent plus que les autres aux mandats électifs est une règle de fonctionnement ordinaire mais ces inégalités sociales d’accès au champ politique se renforcent depuis la fin des années 1970. Il y a effectivement moins d’ouvriers dans la société – environ 20 % de la population active – mais ils sont encore moins bien représentés qu’avant.

Qu’est-ce qui explique cette évolution ?

La sociologie des partis de gauche a beaucoup changé. Il y avait auparavant un ancrage de ces partis dans les milieux populaires avec des liens forts noués avec les syndicats – la CFDT pour le Parti socialiste (PS), la CGT pour le Parti communiste français (PCF)… – et l’existence de réseaux dans les quartiers populaires et les villes industrielles. Mais depuis les années 1980, les partis se sont recentrés sur les catégories les plus diplômées. Les enseignants et les cadres de la fonction publique se sont retrouvés aux avant-postes et les militants ouvriers de plus en plus marginalisés.

C’est une évolution assez générale (...)

Il est désormais beaucoup plus difficile pour les ouvriers de militer. Ils travaillent dans de plus petites unités de production que dans les années 1960-1970, où la tradition syndicale est moins forte, et dans des conditions plus difficiles, avec davantage de chômage, de précarité, d’intérim. La déstabilisation sociale du groupe ouvrier a affaibli ses capacités à s’organiser politiquement. (...)

Quel est le parcours typique des ouvriers qui réussissent à accéder à des mandats politiques ?

C’est difficile à dire car il y a très peu d’exemples au niveau national. Sur le plan local, le syndicalisme me semble la principale voie possible. C’est le seul milieu où il y a une mobilisation ouvrière forte et où la hiérarchie scolaire ne joue pas, ou peu. L’engagement syndical donne des ressources aux ouvriers pour s’engager ailleurs, pour participer aux élections municipales par exemple. Il permet de lutter contre la honte sociale qui exclut les ouvriers de la vie publique. (...)