
Sur d’énormes panneaux publicitaires s’étalent des « réponses » aux slogans de la révolution.
Toute une campagne est ainsi organisée pour enseigner au peuple comment il doit comprendre le terme « liberté ». Sur ces panneaux, on voit apparaître le mot, de loin, en immenses lettres bleues. Puis, en lettres plus petites et de couleur plus discrète, de sorte qu’on ne les voit qu’après s’être rapproché, vient la suite de la leçon.
Cela donne, par exemple, selon mon souvenir :
« LA LIBERTE ne commence pas par des slogans, mais par le respect des lois
LA LIBERTE ne commence pas par le chaos, mais par la responsabilité
LA LIBERTE ne commence pas par la destruction des biens publics, elle commence par le travail »
Cette campagne n’est pas la seule en son genre. Il suffit d’un trajet en ville pour être littéralement abruti par toute la littérature déversée par le régime sur les citoyens.
(...) Quand la bataille est finie, on voit passer d’autres bus, remplis de fonctionnaires contraints par leur direction à aller faire une contre-manifestation sur le lieu même qui vient d’assister à la mort et aux arrestations.
Suivant l’endroit où l’on se trouve, on entend les balles.(...)
Les massives manifestations des banlieues ne parviennent pas à passer les barrages de l’armée pour atteindre la capitale et enfin s’unifier. (...)
A Damas, on entend beaucoup plus qu’on ne voit. C’est pourquoi beaucoup de gens font la démarche d’aller « voir de leurs yeux » ce qui se passe. Le mercredi ou le jeudi, ils vont dormir dans les quartiers soulevés, qui, le vendredi, seront entièrement bouclés.
On va dormir à Berzé, à Douma, à Qaboun, à Qadam, pour être sur place, et descendre à la manifestation. Certains se déguisent, d’autres non. Car tout le monde filme.
On a tous vu une vidéo de manifestation filmant les manifestants eux-mêmes en train de filmer. Un ami, qui filmait lui aussi, dit à un père qui portait son fils sur ses épaules :
« Ne t’inquiète pas, je ne montrerai pas vos visages. »
Sur quoi il lui répondit :
« Mais montre-les nos visages, montre-les ! Qu’est-ce que tu veux que ça nous fasse ? »
Les propos que j’ai le plus entendus en écoutant les retours d’expédition étaient :
« C’est incroyable, ils n’ont plus peur. »
Ils chantent d’ailleurs :
« Ohé gens de Damas, nous, à Berzé, le régime on l’a fait tomber ! »
On entend aussi beaucoup :
« C’est incroyable, nous les Syriens on ne se connaissait pas. Grâce à la révolution, on fait connaissance. » (...)
Si l’on sort blessé d’une manifestation, il est très imprudent de se rendre à l’hôpital, d’où l’on peut être renvoyé en prison sur le champ. Dans les banlieues soulevées, les forces de sécurité attaquent les hôpitaux, empêchent le ravitaillement en médicaments, coupent l’électricité.(...) Wikio