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L’école démocratique
La réforme managériale et sécuritaire de l’école
1er janvier 2010 par Christian Laval
Article mis en ligne le 18 janvier 2010
dernière modification le 17 janvier 2010

L’école-entreprise, tel semble bien être l’objectif des nouveaux réformateurs de l’école à l’ère néolibérale et sécuritaire. Ne serait-il pas temps de faire de l’école une machine « efficace », de la soumettre à la saine pression concurrentielle du marché, à l’évaluation généralisée des résultats, à la surveillance numérique des élèves et des professeurs, au dépistage des comportements anormaux ? L’heure n’est plus à la démocratisation de la culture, elle est à la croissance de la productivité des enseignants et à leur mutation en hommes d’entreprise.

Un nouveau mode de gouvernement de l’école s’impose qui touche au cœur du métier enseignant, qui affecte directement les rapports pédagogiques, qui modifie le sens des apprentissages et la nature de l’enseignement. Il est régi par un dispositif de concurrence et de surveillance, gage supposé de performance.

En France, ce nouveau mode de gouvernement de l’école n’est pas encore complètement identifié par les professionnels de l’enseignement et par les parents, encore moins par l’opinion....

...Qui lit en effet les rapports abscons et monotones des institutions internationales (OCDE, OMC, Banque mondiale, Commission européenne) où sont décrits pourtant avec précision les objectifs et les méthodes de la réforme managériale ?

...La logique qui sous-tend la modernisation de l’école est maintenant commune à toutes les institutions publiques. C’est celle de la concurrence et de la surveillance....

..Une immense littérature a répandu l’idée que la seule véritable justification des investissements scolaires résidait dans une formation professionnelle adaptée aux besoins des entreprises et permettant l’insertion professionnelle.

L’Etat a mis très activement en place les outils nécessaires à la construction d’un marché scolaire.

...Le cadre législatif de la culture du résultat est déjà en place (la loi organique relative aux lois de finances ou LOLF), les instruments gouvernementaux de la Nouvelle Gestion Publique sont opérationnels (la révision générale des politiques publiques ou RGPP). Mais il reste encore à installer les dispositifs plus fins et plus concrets permettant de mettre en compétition les enseignants par le biais de la mesure de la performance de leurs élèves, et à faire fonctionner des contrôles plus précis de leur activité par le levier de « l’obligation de résultats »....

Depuis novembre 2008, près de 200 directrices et directeurs d’écoles ont signé un appel à ne pas utiliser Base élèves » [16]. Ces défenseurs des libertés font l’objet de sanctions et de retraits de salaires de la part de leur hiérarchie. Soutenus par le Syndicat des avocats de France, plusieurs centaines de parents ont déposé plainte contre X, considérant que Base élèves portait différentes atteintes aux lois et conventions relatives à la protection de la vie privée, aux droits de l’Homme et de l’enfant.

Le ministre Xavier Darcos a finalement admis, quatre ans après le début des premières expérimentations, le caractère « liberticide » de certains items tout en défendant le principe de son développement au prétexte d’une gestion plus fine des effectifs et d’une rationalisation des postes et des classes...

...On passe progressivement d’une problématique de la déficience scolaire à une problématique de la déviance socioéconomique....

...On ne s’étonnera pas alors de constater que l’école devient un espace à surveiller de toutes les manières possibles : installation biométrique de filtrage des entrées, caméras de vidéosurveillance, portique de détection, autorisation de fouille des cartables par les enseignants, et même création d’une « force spéciale d’intervention »...

...L’insurrection morale et politique des désobéisseurs, qu’il s’agisse des enseignants qui refusent d’appliquer les faux remèdes des groupes de soutien, en lieu et place des Rased, de ceux qui refusent d’appliquer les nouveaux programmes ou encore de ceux qui refusent de renseigner les fichiers, porte un témoignage exemplaire, au risque des sanctions les plus graves financières ou administratives, d’un mouvement de refus beaucoup plus vaste de réformes et de dispositifs qui asservissent les enseignants et détruisent leur fonction...