
Fin octobre. Des millions de chrysanthèmes traversent l’Europe par camions entiers pour être prêts à fleurir, le 1er novembre, des millions de tombes. Quinze jours après, tous défleuris, et morts pour la plupart, ils remplissent déjà les poubelles des cimetières.
Les sapins prennent le relais. Cultivés, transportés, pour servir quelques semaines de supports de guirlande avant d’être jetés début janvier.
Toutes ces plantes doivent impérativement répondre à un cahier des charges établis par leurs marchands : en bref, être aussi « parfaites » que les fruits et légumes destinés à la grande distribution : les chrysanthèmes ne doivent pas manquer d’une seule fleur, les sapins d’une seule aiguille.
Conséquence, soit dit en passant : ici pour les plantes comme ailleurs pour les haies ou les pelouses, le vivant et le naturel ressemblent de plus en plus à du mort et à de l’artificiel : les haies de thuyas à des brises vue, les pelouses à des moquettes, ces fleurs et ces sapins à des imitations en plastique. Il semblerait même que les « sapins nouveaux » ne sentent même plus le sapin…
Derrière le peu de naturel qui reste, une réalité qui ne l’est plus du tout : celle de l’ horticulture intensive. Qui n’a rien à envier à l’ agriculture intensive, tristement célèbre, ou à l’ apiculture intensive, dont on parle si peu…
Horticulture intensive, c’est-à-dire archi : artificielle, couteuse et polluante. Pour ne parler que des sapins – et sans compter les nombreux produits destinés à booster leur croissance, rendre plus luisantes leurs aiguilles, freiner leur chute après la coupe, etc.) : presque tous ceux qui modifieront l’atmosphère du salon où les enfants joueront pendant les vacances ont reçu directement (fongicides, acaricides, insecticides…) ou indirectement (herbicides) depuis leur naissance entre 30 et 80 traitements destinés à détruire (telle herbe, telle champignon, tel animal « menaçant »). La majeure partie de ces traitements sont à base de substances (le glyphosate en est l’une des moins toxiques) responsables d’empoisonnements ou de troubles chez les animaux (humains compris donc) qui les respirent, les reçoivent sur la peau, etc. (...)
Combien de personnes qui aiment et défendent sincèrement les abeilles auront à Noël, dans leur maison, un sapin qui n’existe là qu’en ayant reçu de nombreux traitements qui détruisent les abeilles ? (...)
L’importance de nos rituels justifierait-elle ces pratiques ? Il existe pourtant mille autre moyens de rendre hommage à nos morts, de rendre le salon plus joyeux pour noël. Y compris avec des éléments naturels que la nature, en automne, nous offre à profusion. Mais peut-être est-ce justement là le problème : si c’est offert, ce n’est donc ni vendu ni acheté. Crime de lèse-addiction pour celles et ceux pour qui la fête n’est plus dans la fête, mais dans la vente ou l’achat. (...)