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Mediapart
La préfecture de police de Paris a menti pour couvrir les tirs d’un policier sur des jeunes innocents
Article mis en ligne le 30 novembre 2020

Alors que Gérald Darmanin doit être auditionné lundi à l’Assemblée nationale sur l’action des forces de l’ordre, Mediapart publie une nouvelle vidéo témoignant d’une action incompréhensible. Six jeunes, n’ayant commis aucun délit, sont violemment interpellés par des policiers agissant en toute illégalité. L’un des agents tire deux fois, sans sommation, vers la tête du conducteur. La préfecture de police de Paris n’a pas suspendu ce policier affirmant que la justice avait conclu à la légitime défense. Ce qui est faux.

(...) Cette nuit du 30 avril 2019 restera à jamais gravée dans la mémoire de Paul, d’Hugo et de quatre de leurs amis, âgés de 16 à 22 ans. À 2 heures du matin, dans le bois de Boulogne à Paris, arrêtée à un feu rouge, leur voiture est soudainement bloquée par trois véhicules. Huit hommes armés en sortent, les mettent en joue et l’un d’entre eux tire à deux reprises, visant notamment la tête de Paul. (...)

Contrairement à ce que craignent ces jeunes gens, ces hommes ne sont pas des voyous, mais bien des policiers de la brigade anticriminalité (BAC) qui, parce qu’ils les suspectent d’un vol de sac à main, les interpellent sans le moindre signe d’identification, ni brassard ni gyrophare. Et, alors que la situation ne présente aucun danger, ils vont user de leur arme sans faire de sommation.

Aucune image de ces violences policières n’a circulé sur les réseaux sociaux ou dans les médias. Et pour cause, les seuls enregistrements provenant des caméras de vidéosurveillance n’ont été transmis à Paul qu’en juin, après de nombreuses demandes, depuis mai 2019, de son avocat, Raphaël Kempf, auprès du parquet de Paris.

Enterrées alors même qu’elles prouvent que les policiers agissent en toute illégalité et que l’un d’entre eux fait usage de son arme sans que la situation ne le justifie, ces images « démentent la version des policiers qui m’ont accusé de violence. J’ai été poursuivi pour ça et relaxé seulement en novembre dernier. Par contre, le policier qui a tiré en me visant continue de se balader avec son arme. J’ai porté plainte, mais l’enquête est plus longue le concernant », constate Paul.

Mediapart publie la vidéo de cette violente interpellation. (...)

Plus d’un an après les faits, la préfecture de police de Paris n’a pris aucune mesure à l’encontre de ces policiers. L’auteur des tirs continue d’exercer. Contactée par Mediapart, la préfecture nous a communiqué une fausse information, déclarant, le 16 novembre, que « le parquet a conclu à la légitime défense », justifiant ainsi qu’« aucune procédure administrative n’a été diligentée à l’encontre du policier ayant fait usage de son arme de service ».

Pourtant, de source judiciaire, le parquet n’a rien conclu de tel. L’enquête ouverte en mai 2019 pour « violences par personne dépositaire de l’autorité publique » vient de se terminer et les policiers pourraient bien être poursuivis.

La préfecture de police nous a recontactés le 28 novembre, jour des Marches pour les libertés, légitimant cette fois l’absence de suspension des policiers par « la complexité juridique de cette affaire ». Une communication qui s’emmêle pour tenter de justifier qu’aucune mesure n’a été décidée par le préfet Didier Lallement à l’encontre de ces agents.

Traumatisé, Paul, 22 ans, a eu une incapacité totale de travail (ITT) de quarante jours. Il a été contraint d’interrompre ses études, sujet à des « explosions impulsives », des « crises de pleurs » et des « ruminations centrées sur la peur qu’il a eue de mourir », selon l’expertise psychiatrique.

« La balle s’est logée dans la carrosserie à quelques centimètres à côté de ma tête, confie-t-il à Mediapart. J’ai cru mourir. » (...)

il se retrouve accusé d’avoir avec une arme par destination, en l’occurrence sa voiture, commis des violences, en heurtant le véhicule des policiers, sans qu’aucun n’en soit blessé.

Le parquet de Paris a maintenu les poursuites contre Paul, qui a été relaxé à l’issue de sa comparution, le 4 novembre, plus de dix-huit mois après les faits. Diffusées durant l’audience, les images de vidéosurveillance ont confirmé que les policiers, en toute illégalité, ne portaient aucun insigne permettant de les identifier et qu’il était donc parfaitement légitime pour Paul d’avoir dû reculer afin de fuir ce qu’il pensait être des braqueurs. « Pendant plus d’un an et demi, j’étais dans l’attente de ce jugement en étant à la place du coupable. Intérieurement, c’est révoltant », confie Paul, qui a dû interrompre sa formation.

« Quand j’ai vu les impacts de balles sur la voiture, je me suis effondré. » Toujours suivi par un psychologue pour « des crises de stress et de colère », Paul travaille aujourd’hui comme serveur « en attendant de se réorienter et pour payer les frais d’avocat. Tout s’est écroulé, dans mes études et au sein de ma famille, où la relation avec ma mère s’est tendue ». (...)

Il attend aujourd’hui avec impatience que le policier soit jugé. Et ne comprend pas qu’en attendant il ne soit pas suspendu. « La balle est passée à quelques centimètres de ma tête. Et ce policier est toujours armé et continue de travailler. On attend quoi ? Qu’il tue quelqu’un ? » (...)

Les procès-verbaux rédigés la nuit des faits par ces policiers, à la suite de l’interpellation, ainsi que leurs auditions dans le cadre de l’enquête ouverte pour vol, que Mediapart a pu consulter, révèlent une multitude d’infractions commises par ces agents. (...)