
Deux réfugiés tués, un Syrien et un Africain non identifié. Des évacuations violentes quotidiennes du moindre campement urbain par la police. Un bidonville posé sur un marécage dans des conditions d’une grande insalubrité… C’est le récit d’une semaine de vie des exilés de Calais, alors que la France et le Royaume-Uni ont, en théorie, accepté d’accueillir plusieurs dizaines de milliers de réfugiés syriens. Seuls les nombreux gestes de solidarité de citoyens et d’associations viennent redonner un peu d’espoir dans ce sombre panorama.
Dimanche 20 septembre. Un nouveau mort
Il venait de Syrie. Il venait d’arriver à Calais, c’était l’une de ses premières tentatives de passer au Royaume-Uni. Il est mort jeudi 17 septembre en montant sur une des navettes ferroviaires qui transportent les camions dans le tunnel sous la Manche. Ses amis ne souhaitent pas que son nom soit publié pour l’instant, le temps notamment que sa famille soit prévenue.
Il est mort à la frontière du Royaume-uni, alors que le gouvernement britannique annonce qu’il va accueillir 20 000 réfugiés syriens en cinq ans, mais pas celles et ceux qui sont à Calais. Alors que le gouvernement français annonce qu’il va accueillir 24 000 réfugiés syriens en deux ans, mais laisse à la rue ceux et celles qui demandent l’asile sur son territoire.
Il est mort, mais rassurons-nous : « Interrogé par l’AFP, Eurostar a indiqué que ce drame n’avait pas eu de répercussion sur le trafic, qui promet d’être très important ce week-end avec le début, vendredi soir, de la Coupe du monde de rugby en Angleterre, et des milliers de supporteurs tricolores attendus à Londres pour le match Italie-France, samedi soir, à Twickenham » [1]. On ne sait pas ce que vaut une vie humaine, mais une mort s’évalue au montant du manque à gagner éventuel.
Même déshumanisation de la part de la préfecture : « L’individu est décédé ». Un homme ? Une personne ? Non, un « individu ». (...)
undi 21 septembre. Expulsion de deux campements d’exilés syriens
Deux campements d’exilés syriens situés au centre de Calais [2] ont été évacués ce matin à partir de 7 h 30. Les personnes n’ont pu emporter qu’une partie de leurs effets personnels.
Il n’y avait pas de décision d’expulsion connue pour ces deux lieux. Une partie au moins des policiers qui sont intervenus avec les gendarmes mobiles ne portaient pas de matricule.
Les Syriens ont refusé d’aller vers le bidonville où les repoussaient policiers et gendarmes et ont fait un sit-in boulevard des Alliés. Les forces de l’ordre ont avancé leurs fourgons sur eux pour les obliger à se lever et à reculer. Une militante a été arrêtée lors de l’évacuation du campement du hangar Paul-Devot, ainsi que deux Syriens lorsqu’ils ont bloqué le pont Vétillard, à l’angle du port. Un Syrien a également été emmené à l’hôpital après avoir été tabassé par la police.
Après l’évacuation des deux campements, puis la destruction au bulldozer d’une partie du bidonville d’État, les habitants de deux autres campements du centre de Calais ont été expulsés. (...)
En une journée, les derniers campements du centre-ville ont été détruits, ainsi qu’une partie du bidonville d’État, qui ne peut plus être considéré comme un endroit protégé. La pluie s’est mise à tomber.
Mardi 22 septembre. Montée en violence
Les personnes qui voulaient voir dans l’annonce de l’accueil de réfugiés syriens par des pays de l’Union européenne, comme la France ou le Royaume-uni, le signe d’une inflexion des politiques migratoires reçoivent démenti sur démenti.
Pour les femmes, les hommes et les enfants concernés, l’accueil de la France est ce bulldozer détruisant leur abri et leurs effets personnels. Deux jours après la plus grande manifestation de solidarité avec les exilés que Calais ait connu, avec quelque trois mille participants, le gouvernement répond par la violence et la violation de la loi : destruction des effets personnels, expulsion sans procédure légale pour trois lieux sur les cinq, absence de propositions de relogement, arrestations arbitraires. Au moment où nous écrivons, la police s’acharne sur une personne souffrant de troubles mentaux et qui est revenue sur l’emplacement du campement dont elle a été expulsée. (...)
Jeudi 24 septembre. Encore un mort
Il était peut-être mineur, et africain. On n’en sait pas plus pour l’instant. Il est mort cette nuit lors d’une tentative de passage du tunnel sous la Manche. C’est le deuxième décès en moins d’une semaine, le quatorzième depuis le début de l’année.
Le passage de la frontière est devenu plus difficile avec les mesures prises cet été, et la prise de risque est plus importante. (...)