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IRIN - nouvelles et analyses humanitaires
La majorité des réfugiés syriens au Moyen-Orient ne vivent pas dans des camps
Article mis en ligne le 18 octobre 2015
dernière modification le 14 octobre 2015

L’image des Syriens réfugiés dans des camps poussiéreux est l’un des clichés préférés des responsables politiques et des médias. « [P]rès de quatre millions de Syriens croupissent dans des camps en Turquie, au Liban et en Jordanie », déplorait un article de The Independent. Les politiciens eux aussi font référence aux réfugiés qui « croupissent » « dans les camps » et les bailleurs de fonds se vantent de contribuer à la gestion de ces camps, même là où il n’y en a pas.

(...) sur les quatre millions de Syriens qui ont fui la guerre qui déchire leur pays depuis quatre ans, plus de 3,5 millions vivent dans des villes et villages de Turquie, du Liban, de Jordanie et d’Irak. La crise des réfugiés syriens affecte également ces communautés d’accueil.

« Pas tellement différent de la vie dans les camps »

Jusque récemment, la majorité des réfugiés syriens au Kurdistan vivaient en milieu urbain et payaient un loyer. Presque toute l’aide humanitaire est cependant affectée aux camps.

Au début de l’année, la région s’est retrouvée dans une situation financière désastreuse. L’autoproclamé État islamique (EI) s’approchait du Kurdistan et les investissements ont diminué, ce qui a fait grimper le chômage. Bagdad a par ailleurs différé l’allocation budgétaire d’Erbil pour punir le Gouvernement régional du Kurdistan d’avoir exporté son pétrole sans passer par les autorités fédérales. Les fonctionnaires n’ont donc pas été payés pendant des mois.

Le secteur de l’immobilier bas de gamme a été particulièrement touché. Alors qu’il subissait déjà les déplacements internes dus à l’EI, il lui a été difficile de faire de la place aux réfugiés venant de l’étranger.

N’ayant plus les moyens de se loger, de nombreux Syriens en Irak ont alors dû s’installer dans des camps. En 2013, on estimait à 38 500 le nombre de Syriens vivant dans trois camps, l’un au Kurdistan et les deux autres dans le centre de l’Irak. Ils sont maintenant 94 000, répartis dans 10 camps. De tous les pays de la région comptant un nombre important de réfugiés syriens, l’Irak est celui où la proportion vivant dans des camps est la plus grande, même si elle ne s’élève qu’à 38 pour cent. (...)

Nombre d’entre eux se retrouvent dans des immeubles surpeuplés et insalubres, dans des garages ou dans des chantiers et vivent sous la menace constante d’être expulsés. (...)

Il y a cependant une différence de poids : le logement dans les camps est gratuit, tandis que M. Yousif et sa famille payent 400 dollars de loyer par mois.

Tensions

Au Kurdistan, d’après le HCR, il n’y a « pas de fonds pour aider les familles de réfugiés qui ne vivent pas dans les camps ». Les Syriens réfugiés au Liban, en Jordanie et en Turquie ont eux aussi vu leurs allocations logement baisser ou disparaître, en partie à cause du manque de fonds. Les Nations Unies ont dit avoir besoin de 4,5 milliards de dollars pour aider les réfugiés syriens en 2015, mais n’en ont reçu que 2,21 milliards.

Selon certains experts, le choix de ne pas aider les réfugiés qui, comme M. Yousif, louent un logement représente une fausse économie. « L’aide en milieu urbain est peu chère parce que nous n’avons pas besoin de créer et de maintenir des services collectifs tels que des écoles et des dispensaires », a expliqué Tom Corsellis, directeur de Shelter Centre, qui apporte son expertise et son aide aux organisations humanitaires qui interviennent dans l’installation et la reconstruction. Dans les camps, les organisations humanitaires doivent en effet fournir tous ces services très onéreux. (...)

si les bailleurs de fonds européens veulent que la crise des réfugiés soit contenue au Moyen-Orient, il faut peut-être qu’ils cessent de ne s’intéresser qu’aux camps et qu’ils investissent dans les infrastructures des pays d’accueil.

Retour à la guerre ?

Aujourd’hui, la réduction de l’aide en pousse même certains à retourner dans la Syrie en guerre.

« Nous avons observé une hausse majeure du nombre de réfugiés syriens retournant dans leur pays », a dit à IRIN Cate Osborn, conseillère en protection et en plaidoyer pour le Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC) en Jordanie. Un record de 340 retours quotidiens a été atteint en septembre. Au mois d’août, près de 4 000 Syriens réfugiés en Jordanie sont rentrés dans leur pays.

« Ces gens disent au personnel du NRC que l’incapacité de pourvoir à leurs besoins essentiels [est un facteur] important », a expliqué Mme Osborn, en citant plus particulièrement la baisse des aides du Programme alimentaire mondial : 229 000 réfugiés en milieu urbain se sont vu retirer leur aide alimentaire en septembre, ce qui leur laisse moins d’argent pour le loyer. « Ils voient qu’il n’y a plus de solution viable pour rester en Jordanie », a ajouté Mme Osborn.
(...)

M. Yousif ne prévoit pas de retourner en Syrie, qu’il qualifie de champ de bataille de la « troisième guerre mondiale ». Tout compte fait, une mauvaise plomberie est peut-être ce qu’il peut trouver de mieux.